Loin de la foule déchaînée : Le livre de Thomas Hardy, Mathilde Zeys

J'avais adoré le film et il fallait que je découvre le livre à l'origine ! Entre comédie satirique et étude subtile des mœurs, Loin de la Foule Déchaînée est un grand roman anglais du XIXème fleurant bon le terroir, les amours contrariées et le cynisme de son auteur. Thomas Hardy met en lumière les destins de Gabriel Oak et Bethsabée Everdene et d'un étrange triangle amoureux qui entraînera bien des souffrances dans son sillage. Son talent, c'est de dessiner des portraits justes et attachants, intelligents mais ambigus aussi, des âmes simples et pas toujours très nobles qui doivent faire face aux conséquences de leurs choix et de leurs actions. Tout en portant un regard résolument ironique et peu indulgent sur la gent féminine à travers le personnage de Bethsabée, Thomas Hardy nous prouve aussi qu'il est un grand observateur du genre humain, capable de nous renvoyer nos défauts au visage ou de faire preuve d'une psychologie et d'une incroyable intelligence dès qu'il est question de sentiments amoureux. Si Gabriel Oak est dévoué et persévérant malgré le rejet, et poursuit son travail de berger auprès de la seule femme qu'il ait jamais aimée, Bethsabée fait figure de coquette un peu naïve dont l'inconstance va déchaîner les passions. Elle subit néanmoins une belle évolution au fil du récit et je ne peux que me sentir proche des personnages imparfaits et pleins de défauts de cet auteur qui travaille à les rendre le plus réalistes possible. Il nous conte l'histoire d'une jeune femme déterminée à s'imposer dans un milieu rude et masculin, ses combats et son irrépressible besoin de liberté et d'indépendance qui va la conduire à diriger sa propre exploitation comme un homme. Loin de la Foule Déchaînée parle d'amour mais aussi de rejet. Hardy confronte deux destins bien différents – celui de Bethsabée rendue indépendante par héritage, et celui de Fanny sur qui la vie s'acharne – prenant soin de comparer leurs combats et de montrer le poids des choix et de l'infortune. Le style est fluide évidemment mais il est aussi dynamique, très rythmé, très moderne pour un livre écrit il y a si longtemps, avec un choix de chapitres très courts et une succession d'actions tempérées par de brefs moments d'introspection qui évitent la lassitude. De plus, les descriptions immersives, à la fois courtes et simples, sont très efficaces pour nous plonger dans le quotidien d'une ferme anglaise au fil des saisons. Un ouvrage remarquable qui me donne envie de découvrir Jude l'Obscur prochainement...

Classique de la littérature anglaise, j’ai lu ce roman dans la cadre de mon club de lecture local. Dubitative au début, j’ai vite changé d’avis. Bathsheba Everdene, héritière d'une ferme, s'installe dans sa nouvelle demeure avec l'intention de la diriger seule. Mais une jeune femme, belle et célibataire, attire forcément les convoitises. Ainsi son voisin, le riche William Boldwood tombe amoureux d'elle et veut l'épouser. Mais elle tombe elle-même sous le charme de l'ambitieux sergent Francis Troy. Elle ne sait pas qu'il a déjà mis enceinte une pauvre jeune femme qui le recherche pour l'épouser. La situation semble inextricable. La solution est peut-être plus simple qu'il n'y parait, en la personne du berger Gabriel Oak qui lui a déjà avoué sa passion... J'ai beaucoup aimé ce roman, dans lequel j'ai retrouvé les ingrédients indispensables d'un roman du 19ème siècle : la difficile condition féminine, les convenances sociales, le mariage, les différences de classe. Thomas Hardy décrit très bien tout cela et apporte une pointe d'humour pour souligner toute l'hypocrisie de l'époque sur les relations sociales. J'ai été agréablement surprise par la juste description des sentiments de Bathsheba : une femme aurait écrit la même chose. Le cadre de la campagne anglaise est reposant parmi toutes ces intrigues et ces rebondissements. Car qu'on ne s'y trompe pas : « classique » ne veut pas dire « ennui » et l'action est très présente. Ce roman a été le premier succès de Thomas Hardy et il le confirmera avec « Tess d’Uberville ». Alors n’hésitez pas à vous laisser tenter !

Venue à la campagne pour seconder temporairement sa tante, une jeune fille, jolie et instruite, Bathsheba, fait fortuitement la connaissance d’un robuste et brave fermier, le taiseux Gabriel Oak. Vaniteuse et altière, Bathsheba est une petite peste à fort caractère et elle rejette son offre de mariage pour le moins maladroitement exprimée. Oak, le bien nommé, plie mais ne rompt pas. Une histoire d’amour qui commence mal… Héritant de la ferme de son oncle, elle entreprend de la diriger avec fierté, témérité et une certaine arrogance mariée à l’insouciance de sa jeunesse. Les soupirants ne manquent pas. Après s’être laissée courtiser, elle renonce au sage fermier Boldwood pour succomber bientôt au fougueux et libertin sergent Troy. On l’aura compris, la passion, la raison et les contradictions du coeur féminin sont au coeur de ce roman. Mais Hardy y dépeint aussi les mœurs de la vie rurale anglaise, à une époque encore très fortement imprégnée par les convenances, ce qui rend son héroïne particulièrement attachante et marginale. Au fil de scènes champêtres et apparemment innocentes, une agréable petite musique, un charme désuet s’installent et je les ai beaucoup appréciés.

Un livre sur le monde rural, ce qui n'est pas si fréquent que ça. Une femme indépendante et ses trois soupirants, ce qui n'est pas fréquent non plus. Un regard aigu et très pénétrant sur les rapports hommes-femmes, souvent en avance sur son époque. Des personnages décrits à leur place dans leur groupe social et dans la Nature. Le seul Hardy que je connaisse avec un happy end en sus :) Mais ce que j'ai préféré surtout ce sont les moments de pure poésie, poésie en prose mais poésie, lorsqu'il s'attache à décrire les paysages ou les éléments. On les voit, on les entend, on les sent sur sa peau et dans ses cheveux. Il rend ces moments sensibles comme je ne l'avais jamais lu avant lui. C'est d'une beauté magique, au sens fort. On est pris de vertige. "La créature humaine était instinctivement portée à rester immobile et silencieuse, à écouter et à découvrir que les arbres sur la droite et sur la gauche mugissaient ou chantaient avec les cadences antiphoniques d’un chœur de cathédrale, que les haies et d’autres reliefs sous le vent attrapaient la mélodie au vol, la réduisaient à un sanglot, la bourrasque fonçant ensuite vers le sud sans qu’on ne l’entendît plus souffler."