Au coeur du pouvoir russe : Le livre de Tania Rakhmanova

Six ans après la sortie de son documentaire La Prise de pouvoir par Vladimir Poutine, la journaliste russe Tania Rakhmanova a poursuivi son enquête sur la "démocratie" russe. La force du livre, au-delà d'un récit digne d'un roman, repose sur la franchise des nombreux témoins, fidèles de Poutine ou anciens proches aujourd'hui déchus - tel l'oligarque en exil Boris Berezovski -, qui révèlent les mécanismes du pouvoir depuis la fin des années 1990 et "les effets de a boîte de Pandore ouverte en mars 2000.

A la veille de l'élection présidentielle en Russie, retour sur l'ascension de Poutine depuis ses débuts dociles, en 1996, dans le cercle d'Eltsine. L'auteur recoupe les témoignages et démonte le système autocratique instauré par ce pur produit du KGB. Glaçant.

Le 27 mai 2011, je suis arrêté par la police de Moscou. Brutalisé. Conduit dans un fourgon. Placé dans une minuscule cellule de confinement. Sans air et sans lumière. Dans une chaleur suffocante. On me reproche d'avoir participé à la Gay Pride de Moscou, et d'avoir soutenu Nikolaï Alexeïev, son organisateur. Je suis finalement libéré, après intervention du Quai d'Orsay. Mais pour tous les citoyens russes, homosexuels ou non, comment vivre dans la Russie d'aujourd'hui ? Il m'importe de parler du dernier livre de Tania Rakhmanova, Au coeur du pouvoir russe. Cette journaliste , qui a réalisé de nombreux documentaires, analyse ici "l'ascension fulgurante d'un obscur ex-officier du KGB (Vladimir Poutine), simple assistant du maire de Saint-Pétersbourg (...), qui a pu en moins de deux ans arriver à la tête de l'Etat, pour façonner ensuite en quelques années un système de pouvoir dont il contrôle tous les rouages".|Louis-Georges Tin

" Qui est M. Poutine ? " La question que (se) posaient les observateurs étrangers lorsque cet agent des services secrets accéda soudainement à la tête de l'Etat russe conserve toute son actualité douze ans plus tard, alors que ce dernier s'apprête à récupérer une présidence qu'il n'avait abandonnée qu'en apparence.
Non que les nombreuses " affaires " qui ont émaillé la période n'aient aidé à se faire une idée du personnage. Mais celui-ci ne doit pas masquer les structures et intérêts qui le supportent, dans tous les sens du terme. En retraçant l'ascension improbable de ce discret officier du FSB, l'auteure, journaliste, pointe en effet le rôle de ses réseaux, composés des " oligarques " auxquels ont été littéralement offerts les fleurons du secteur public, mais aussi des siloviki, les tenants de la police et de l'armée. Des réseaux dont il ne faut toutefois surestimer ni l'unité ni la stabilité, comme en témoignent les déchéances de Berezovski, Loujkov ou Khodorkovski. Un récit édifiant, qui, toutes proportions gardées, peut servir plus largement à réfléchir sur le fonctionnement de nos " démocraties ".|Igor Martinoche

Quelques semaines avant le scrutin présidentiel qui a porté Vladimir Poutine au Kremlin jusqu'en 2018 pour un troisième mandat, la journaliste russe Tania Rakhmanova publie une enquête bienvenue sur le " système Poutine ". L'auteur retrace l'ascension de celui qui était présenté comme un pantin manipulé par l'entourage de Boris Eltsine à son élection à la présidence en 2000, puis son émancipation une fois élu. L'ouvrage met en lumière la toile tissée par le président pour asseoir son emprise sur un pays qu'il dirige depuis douze ans : les amitiés avec certains oligarques, la réactivation du conflit en Tchétchénie, la mise au pas, voire les assassinats des voix dissidentes, la construction de son tandem avec Dmitri Medvedev... La force du livre repose sur la franchise des nombreux témoins, fidèles de Poutine ou anciens proches aujourd'hui déchus, tel l'oligarque en exil Boris Berezovski, qui révèlent les mécanismes du pouvoir depuis la fin des années 1990 et les " effets de la boîte de Pandore ouverte en mars 2000 ". L'ouvrage a le mérite d'éclairer de l'intérieur un système aujourd'hui ouvertement contesté, comme l'est le style de Poutine, mélange unique de détermination, de cynisme et de communication. Reste que ce système, aujourd'hui, se fissure : la séquence électorale vient de révéler les brusques évolutions du rapport entre l'appareil d'État et des segments de la société, à tel point que l'on se demande si la " verticale du pouvoir " résistera à l'émergence de nouvelles formes d'organisations politiques, en particulier via les réseaux sociaux.|Julien Nocetti