Veiller sur elle : Le livre de Jean-Baptiste Andrea, Léo Dussollier, Lila Tamazit

Magnifique et émouvant. Le texte est d'une fluidité extraordinaire, alternant du suspense, des fausses pistes très bien maitrisées, des passages drôles, d'autres poétiques, enflammés, ou caustiques. Le parcours des deux personnages principaux est exaltant et traverse l'Histoire de l'Italie et du monde. Ecrire, comme sculpter, c'est faire des choix. Donc, toutes les critiques sont possibles, puisque tous les goûts existent. Mais ce livre-là m'a passionnée. Quelle belle structure et quel souffle romanesque! BRAVO à l'auteur.

Je suis mitigée, je pense que ce roman ne m’était pas destiné, peut-être pas encore… L’idée me plaît énormément mais dans son gros milieu j’ai manqué de dialogues pour me tenir agrippée, et pourtant un début qui m’avait bien pris et une fin que d’avoir abandonné, je me saurai privé du plus grand cadeau que cette lecture m’offrais… Une lecture que fut bonne, pour se détériorer en lassante et me donner un coup de grâce en beauté. Mimo et Viola deux personnages que j’ai aimé compris et détesté… J’ai beaucoup aimé le lire malgré que le coup de cœur n’y est pas pour ma part.

Boulversé, chamboulé, le regard dans le vague, l’esprit encore marqué des images venues à la lecture des dernières lignes, transi d’émotions tel le flaneur déambulant sans but précis et soudain mystifié face à la beauté d’une oeuvre d’art. Celle qui frappe l’imagination et laisse exploser cette effusion de douceurs, de couleurs et de nuances alors même que les yeux lisent seulement des mots couchés sur une page blanche. Mais la douceur de la plume de l’auteur, la subtilité de l’histoire, l’aura des personnages, qu’on les aime ou qu’on les déteste, qu’on les envie ou qu’on les plaigne, mettent en mouvement ce tableau, cette sculpture qui au premier regard parait immobile mais qui s’anime peu à peu, au fil des pages, pour se transformer en cet ange, reflet de nos tourments, de nos joies et de nos espoirs intérieurs. L’auteur transcende par son talent un objet littéraire, un récit, pour lui donner une envergure quasi mystique et empreigner le coeur et l’esprit de l’observateur candide, ici le lecteur. J’ai fini ce roman comme je l’avais entamé, bouche bée, sans pouvoir relâcher mon étreinte jusqu’au dénouement, quasi dénuement, qui m’a plongé dans l’abattement autant que l’admiration et la mélancolie. J’y ai trouvé une métaphore du propre de la vie, du destin, celui d’espérer et de franchir chaque épreuve avec la conviction d’avancer jusqu’à se rendre compte que ce chemin n’existe que grâce à l’inspiration de l’être qui nous guide par sa main chaleureuse ou ses mises au défi constantes. Une fois la main aussi froide et dure qu’un morceau de marbre reposant sous un ciel étoilé, il reste le souvenir et la compréhension du sens de nos destinées. Cette inspiration que finit par trouver l’artiste au travers de son chef d’oeuvre ultime, le seul capable de transcender tous ses précédents brouillons. Lecture aussi émouvante qu’addictive dans une Italie prise en étau, durant la première moitié du 20è siècle, entre résignation et reconstruction, violence et humanité, noirceur et lumière, entre bruits des bottes et chants des oiseaux. L’art, en exacerbant les sentiments humains, remet à portée du regard des femmes et des hommes la fatalité autant que la beauté d’un monde en proie, malgré tout, à l’espoir. Fresque romanesque portée par la puissance de la vie, la force et les brisures terriblement humaines de la palette de personnages inoubliables créée par l’auteur avec au centre, une attraction, une attirance au delà de l’amour et de l’amitié, un lien karmique, qui outrepasse les décennies entre Mimo, sculpteur au don et au destin prodigieux et Viola, femme emblématique, figure de liberté en avance sur son temps, qui, en muse quasi divine, le sculptera, elle-aussi, avec l’éclat de ses yeux. Leur existence seront constamment balancées entre la fureur et l’immoralité d’un monde en déliquescence et les espoirs d’une renaissance, entremêlées, chacun façonnant le devenir de l’autre, partageant les drames et les peines, avec courage et authenticité, jusqu’aux éclats de pierre ultimes d’où émergera cette création née du chaos, celle qui lui permettra de veiller sur elle pour l’éternité.

Malgré mes difficultés à me laisser porter au début du roman, je l'ai finalement dévoré tout cru ! Plein de bonnes surprises, sans éléments attendus ni clichés. J'ai trouvé très déstabilisant de suivre ce protagoniste - on me passera l'expression mais c'est la seule qui me vienne - passablement dégueulasse, qu'on prend en affection, finalement... Drôle de relation entre les deux protagonistes, très énervants tous les deux : Mimo pour le dégoût permanent qu'il suscite et Viola par sa situation de femme dont elle ne parvient pas à s'extirper. Les descriptions faites des sculptures et l'approche de l'art sont absolument magnifiques. Et tous les personnages qui gravitent autour de protagonistes sont diversifiés, riches en détails et en évolution permanente. Une grande réussite.