Ici ça va : Le livre de Thomas Vinau

il y a eu comme un grand silence de poussières et de souvenirs […] j’ai ressenti de la tendresse pour cet endroit Il faut construire. Il fait planter. Réparer. Je veux bien le croire. J’en ai besoin. C’est ce que ma mère m’a raconté au téléphone quand je l’ai appelée après mes crises. J’avais besoin d’en savoir plus. D’en savoir un peu. De pouvoir l’imaginer. C’est la moindre des choses que de pouvoir imaginer son père. A défaut de le connaître. Elle n’aime pas ma perfection. Ça tombe bien. J’apprends à ne plus écouter la chanson lancinante de mes plaintes. J’apprends à rire plus fort. J’apprends à recommencer. Elle a un don pour retrouver au milieu de rien les trésors que les autres ont perdus. Elle m’a dit « Demain j’emmènerai la petite au cinéma. » Comment des phrases si simples peuvent elles me bouleverser autant ? Il a assez vécu pour savoir vivre hors de son malheur Eugène Guillevic «Ce sauvage», Erès, 2010 «Il faut avoir confiance en la vie.» Et pendant quelques instants, je la crois. C'est un peu comme voir le paysage par une petite, petite, toute petite fenêtre. Et finir par croire que ce paysage se limite à ce qu'on en perçoit par cette petite, petite, toute petite fenêtre. Au lieu d'essayer d'élargir la fenêtre. De casser les murs. On préfère réduire ce paysage. Penser qu'il n'est que ce que l'on en voit. S'en contenter. C'est Plus confortable. Et puis un jour on se rend compte que le monde est plus grand que nos yeux. Et on reste là, perdus. Au bord du vertige. Je me méfie. J'ai toujours peur que ça ne dure pas. Dès qu'il y a un moment de bonheur, de Paix, je me répète que ça ne durera pas. Que le temps est un menteur, Qu'avoir quelque chose c'est commencer à le perdre. C'est comme cela que je fonctionne. Je n'ai jamais eu peur de l'orage. l'aime voir l'horizon se troubler et l'eau rincer le paysage. Je les tiens serrés contre moi. Je me sens fort. Solide. C'est bon de pouvoir les rassurer. Ils peuvent s'appuyer contre moi. Se blottir. Ça n'arrive pas tous les jours d'être capable de consoler vraiment quelqu'un. C'est l'histoire d'une rivière, d'une maison, de deux personnes qui s'aiment, debout, d'une histoire familiale, d'un homme qui se sert de derrière pour regarder devant. C'est un livre qui a la prétention de l'aube, de l'horizon, du recommencement. Un livre comme certains matins. Parfois.

Plus qu'un livre, je dirai que c'est presque une longue nouvelle, qui se lit d'une traite. C'est doux, poétique, il n'y a pas de rebondissement et pourtant c'est loin d'être ennuyeux. C'est un peu comme un fleuve qu'on regarde couler tranquillement et qui finit par nous apaiser. L'histoire de ce couple qui se retape en retapant une maison est touchante, sensible et bien écrite.