Dieux et Rois - Alexander McQueen et John Galliano, grandeur et décadence : Le livre de Dana Thomas

Foisonnant livre de 600 pages retraçant les parcours parallèles de John Galliano et Alexander McQueen, Dieux Rois de Dana Thomas est également une évocation d'une manière aujourd'hui révolue d'envisager la haute couture. Ces deux personnalités aussi tête brûlée l'une que l'autre ont chacune à leur manière accompagné les bouleversements où des entreprises à taille humaine sont devenues des multinationales avec de multiples marques dérivées, un nombre de collections effarant à assurer chaque année et des objectifs de profit à honorer. Dana Thomas voit en Galliano et McQueen les derniers "rois" du métier, dont la créativité fut célébrée, encouragée avant d'être rattrapés par les nouvelles exigences de l'industrie. De ces deux britanniques d'origine modeste, voire prolétaire dans le cas de McQueen, Dana Thomas dresse des biographies riches, tissées de multiples témoignages et anecdotes significatives. On ne peut que regretter le choix de photos en noir et blanc, qui auraient certes pesé lourd dans le prix de l'ouvrage, mais qui obligent souvent à couper la lecture pour chercher en ligne les fabuleux défilés que l'auteur s'emploie à décrire avec force détails pour compenser le refus de clichés en couleur. Il apparait aussi très rapidement, et malgré l'effort de Dana Thomas de ne pas opérer de favoritisme, que McQueen était le plus innovant, talentueux, créatif des deux. Ses origines plus que modestes, son savoir-faire de coupeur, capable non seulement de dessiner, mais construire et tailler un vêtement, ses influences artistiques pointues et avant-gardistes, ses défilés aux allures de performances artistiques dont la plupart auraient pu figurer au catalogue d'un musée prestigieux... Galliano fait pâle figure à côté de ce génie et accentue l'amer regret d'avoir perdu un très grand artiste. Si l'auteur n'omet rien des frasques, coup d'éclat, polémiques (notamment le fameux défilé clochard de luxe de Galliano), elle contribue à resituer la manière dont ces deux talents ont été essorés par la machine capitaliste, qui après leur avoir bâti des ponts d'or, ont vampirisés leur substance créative et leur énergie, accentuant la nature excessive ou dépressive de l'un et l'autre. Un livre passionnant.

Un très gros livre sur deux phénomènes de la mode : Alexander MacQueen et John Galliano. Je suis une fan inconditionnelle de la mode, même si je n'ai pas les moyens de m'offrir de la haute couture, je regarde avec passion les défilés et suis avec gourmandise le compte Instagram de Loïc Prigent qui a un regard décalé et plein d'humour. C'est un milieu fascinant dans lequel il y a beaucoup d'argent, beaucoup trop d'ailleurs et c'est un peu le fil conducteur de ce livre. Deux jeunes garçons doués et ambitieux pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche, disons le carrément très mal élevés et grossiers et peu respectueux de ce qui se passe autour d'eux pourvu qu'ils aient la gloire et le fric. Mais bourrés de talents si on aime le trash, ils ont révolutionné la maison mode et ont trouvé sur leur passage des gens bienfaiteurs et généreux (qui en ont profité certes) qui les ont fait rois. Hélas le talent ne fait pas tout surtout quand l'argent leur tourne la tête et les déstabilise au point de se droguer à en perdre le sens des réalités et de gaspiller leurs dons et surtout de finir comme des dépraver et tout perdre. Tout ça pour ça ! L'un est mort très jeune, il avait quarante ans et l'autre s'est fourvoyé dans un scandale raciste qu'il aurait du éviter s'il avait eu deux sous d'intelligence et de respect. Il a tout perdu, l'argent et même ses décorations auxquelles il tenait tant et bien qu'il tente de refaire surface sa réputation est terni à jamais. Ce livre est assez bien fait bien que les photos auraient gagné à être en couleurs. Il fait parlé tous les gens qui ont côtoyé ces deux phénomènes et il faut se rendre à l'évidence que plus ont monte haut dans la gloire, la chute est d'autant plus spectaculaire.