Guerre et paix - Tome 1 : Le livre de Léon Tolstoi

Entrez dans un univers élégant, où les dames portent de larges chapeaux à plumes tandis que les messieurs lissent leurs moustaches en parlant d'un air grave de la guerre. Tout cela dans des salons à l'ambiance tamisé, où nul ne parle plus haut que les autres. Si vous tendez un fil entre chaque personne, et que vous y concentrez l'ensemble des choses qu'ils n'osent pas se dire par peur de braver des interdits sociaux, vous pourrez peut être entendre la mélodie de ce roman. Je n'avais jamais lu de littérature russe, et j'étais intriguée par Léon Tolstoï depuis quelques temps. Ce qui m'a poussé à le lire, c'est une personne de mon entourage qui l'a emprunté pour moi, l'a mis dans mes mains, et m'a dit "à rendre dans un mois". Le début du roman m'a laissée perplexe. J'ai trouvé que l'auteur s'attardait beaucoup sur les sentiments entre les gens plutôt que sur une intrigue. Ce qui m'a un peu déçue, c'est que les sentiments soient décrits tellement dans les détails qu'il ne reste plus du tout de place pour l'interprétation du lecteur. Il y a un côté très codifié dans la société russe de l'époque, qui est assez difficile à comprendre en commençant le roman. Cependant, comme les interactions sont décrites dans le détail, on finit par s'habituer à la politesse éxagerée de chacun. Les bases historiques sont longues à établir, et j'ai eu besoin de quelques recherches sur les conflits napoléoniens pour m'y retrouver. Je pense que les scènes de guerre ont été un peu trop nombreuses pour moi. Il y a de fortes impressions de mouvements dans les scènes d'actions, et j'ai beaucoup perdu le fil des batailles. Je ne m'attendais pas exactement à ça en commençant la lecture. Je ne sais pas si c'est dû à la traduction, ou si les références ne correspondaient pas aux miennes, mais je ne me suis pas vraiment retrouvée dans l'histoire. Ce premier tome m'a permis de découvrir la plume de Tolstoï, mais je ne m'aventurerait pas sur la suite de l'histoire. Je continue mes explorations russes avec de nouveaux auteurs !

A l’occasion de la sortie , hélas trop furtive, de la version restaurée de Guerre et paix de Sergueï Bondartchouk, Arte a eu la bonne idée de rendre le film disponible sur son site. Ce film n’est pas seulement un monument du cinéma. Il réussit à traduire, par ses longs plans, ses lumières et les longs monologues intérieurs en voix off, la philosophie profonde des personnages, si chère à la pensée de Tolstoï, tout entier tourné vers l’accomplissement du miracle de la vie dans le regard profondément poétique et déchiré de la culture russe. C’est donc tout naturellement que j’ai recherché dans ma bibliothèque, les deux tomes de « Guerre et paix ». Je les ai trouvés, jaunis par le temps et les lectures multiples, dans leur édition de poche de 1972. J’en ai ouvert les pages avec plaisir, pour me replonger dans l’univers enveloppant de Tolstoï, avec l’impression, malgré plus de vingt ans sans l’avoir approché, d’en être sortie hier ou peut être, de n’en être jamais sortie. La philosophie de Tolstoï est toute entière contenue dans ses personnages, leur vie au quotidien, leurs pensées. Qu’il s’agisse des salons de Saint Petersbourg ou de ceux de la famille Rostov à Moscou, les mondanités et les états d’âme de l’aristocratie ne figurent pas des caricatures sociales, il s’en dégage une morale naturelle faite d’aspirations et de déceptions, autant de respirations que Tolstoï mêle aux paysages, à la nature, tout comme la caméra de Bondartchouk le suggère aussi. La force de la vie se tient là, dans les doutes de Pierre er André, dans la vivacité légère de Natacha, eux, montrent le chemin face à d’autres plus sombres qui figurent autant de contre exemples sans jamais rien perdre de leur humanité; le prince Basile ou Dolokhov de dégradé. Il émane aussi du récit, en contrepoint aux portraits des princes, une force populaire qui emporte tout, qui s’impose, d’un bloc, dans l’incendie de Moscou ou les cris des champs de bataille, et dans la mort de Platon qui préfigure les agonies lentes des paysans du 20ème siècle. On pourrait y deviner une Russie révolutionnaire en devenir, en tourbillon insensé comme le sont les guerres napoléoniennes. Les longues scènes de bataille, qui pouvaient me fatiguer dans mes premières lectures, prennent aujourd’hui tout leur poids, pour camper dans une folie presque orgiaque, le chaos humain le plus absolu. On peut voir Gaza dans les collines d’Austerlitz ou la plaine de Borodino.

Une immersion dans la société russe et ses relations conflictuelles avec les nations étrangères et notamment Napoléon. On y suit plusieurs personnages, tous bien installés dans la haute société russe, qui vive différents aspects de la guerre, qui grandissent avec. Certains sont sympathiques d'autres sont plutôt fades et enfin certains sont tout bonnement antipathique à souhait ! Les jeux d'influences sont intéressants à suivre, ainsi que les intrigues amoureuses. Beaucoup d'information historiques sont données, c'est très enrichissant.