La disparue de la réserve Blackfeet : Le livre de Anaïs Renevier

C’est la première fois que je lis cette série de livre de Society. J’ai découvert la signification d’être une femme amérindienne et, surtout, les risques que cela représentaient. J’espère que ce livre va ouvrir les yeux d’individus et mettre en avant les individus porteurs de ce mouvement. C’est en espérant qu’un jour des moyens et des réponses soient apportés pour les familles des victimes que je recommande ce livre.

C'est au hasard d'une flânerie en librairie que j'ai découvert cette collection. Je ne suis pas fan des true crime mais la simple mention d'une réserve blackfeet a suffi à ma convaincre de lire ce livre. Curieusement, la même semaine, j'entends également parler du documentaire de Sabrina Van Tassel, Les disparues, qui relate la disparition de Mary Ellen Johnson-Davis qui a disparu il y a plus de deux ans de la réserve indienne de Tulalip, près de Seattle. Ces deux enquêtes traitent du même sujet, les disparitions inexpliquées de femmes autochtones sur différentes réserves aux Etats-Unis. Je me souviens aussi du message du générique de fin du très beau film Wind River, qui rappelait qu'il n'y avait pas de statistiques sur le nombre de femmes autochtones disparues. C'est une tragédie glaçante, qui se déroule dans les réserves depuis quelques années, placée sous le signe du secret et de l'indifférence. L'enquête d'Anaïs Denevier démontre parfaitement la complication juridique qui découle de la superposition (ou pas d'ailleurs) des compétences de la police tribale, du Bureau des Affaires Indiennes ou du FBI. Si l'on ajoute à cela la faiblesse des effectifs, et la non priorisation des enquêtes pour disparition, il n'est pas étonnant que personne ne se soit soucié du sort de toutes femmes, à aucun échelon de la bureaucratie américaine. C'est la somme de toutes ces volontés, les familles des disparues, les quelques journalistes et les sympathisants de la cause autochtone qui ont permis de mettre en lumière ces affaires et des les inscrire dans un contexte plus global. La minorité Amérindienne eaux USA et au Canada continue d'être invisible, quasi absente des scènes politiques et juridiques, et de subir le mépris et l'indifférence des autres citoyens, y compris la communauté afro-américaine. On savait les droits environnementaux bafoués, comme récemment pour le scandale de l'oléoduc Dakota Access ou encore l'autorisation du gouvernement américain donnée à la société Lithium Americas pour exploiter la mine de Thacker Pass, au Nevada, mais il n'y a eu aucune amélioration des droits humains depuis des décennies. Peut-on imaginer qu'en 2017 de jeunes femmes autochtones devaient faire de l'auto-stop pour aller en cours ? Que les femmes doivent faire face à la violence au sein de leurs communautés où l'alcool et surtout la drogue font des ravages ? Que les enquêtes pour retrouver les disparues sont bâclées, voire même sabotées ? Sous le mandat de Joe Biden, une femme Laguna Pueblo, Deb Haaland, a été élue pour la première fois au Congrès. Elle a notamment travaillé sur le sujet des femmes disparues avec le programme Missing and Murdered Indigenous Women, MMIW, décrit dans l'enquête d'Anaïs Renevier. J'en profite pour recommander un site à explorer qui résume la situation actuelle : https://www.bia.gov/service/mmu/missing-and-murdered-indigenous-people-crisis. Je pourrais encore en parler pendant des lignes et des lignes, mais il vaut mieux lire cet ouvrage qui, vous l'aurez compris, n'est pas un roman, mais bien une enquête journalistique qui a l'immense mérite de révéler au public français cette sordide tragédie. Je n'ai pas encore vu le documentaire que je cite au début de mon billet, mais je suis certaine que c'est un complément indispensable au livre.

Tout commence en 2017 avec la disparation d'une Amérindienne de 20 ans, Ashley Loring Heavyrunner. Lorsque sa famille prend conscience de sa disparition, ses proches tentent de prévenir les autorités, peu réceptives à leur demande. Sa mère et sa sœur vont se lancer à corps perdu dans les recherches : organisation de battues, à plusieurs, ou seule sur les sentiers de leur réserve, recueil de témoignages, surveillance des potentiels personnes impliquées. L'affaire est un véritable sac de nœuds, les suspects s'entraccusent, les mois et années passent, et la disparition ou le meurtre n'ont pu être résolu. Cette disparition est une illustration grandeur nature de l'état de violence et d'abandon qui touche la communauté amérindienne. Confrontée aux fléaux de la drogue et de l'alcool, aux nombreuses bagarres ou meurtres entre hommes, et, plus encore, aux violences que subissent les femmes : viols, disparitions et meurtres sont un quotidien dans les Réserves. A tel point que de nombreuses femmes, victimes ou membres de leurs familles, se sont organisées en associations pour aider et porter leur voix. Accompagnées de journalistes et politiques, elles ont pu se faire entendre jusqu'au plus haut niveau du pays, permettant la mise en place de programmes de prévention. Toutefois, la violence est toujours là, les services de police, tribaux ou d'Etat, sont débordés ou peu enclins à enquêter au milieu des populations amérindiennes. Le chemin est donc encore long pour rendre justice à toutes les victimes. Au-delà d'une simple enquête, de surcroît passionnante, ce livre est une étude sur les faits de violence au sein des réserves américaines. Il est très factuel, avec des données récentes, et plonge réellement le lecteur en immersion dans ces problèmes. Le style est fluide et l'ouvrage se dévore facilement.

Je ne suis pas consommatrice ou amatrice de true crime, mais j'ai décidé de faire une exception quand j'ai vu le thème de cette enquête : les meurtres et disparitions des femmes indigènes qui vivent dans la réserve de Browning, au Montana. C'était une lecture très très édifiante, dans la continuité de différents médias sur la même thématique ces dernières années : le film Killers of the flower moon, la série Little bird (incroyable), la saison 4 de True detective... D'ici, on le sait de loin, mais on ne peut plus l'ignorer : des dizaines de femmes disparaissent, sont tuées, dans les réserves ou aux alentours, sans que personne ne bouge le petit doigt. Les femmes de leur famille se mobilisent sur place, organisant elles-mêmes les battues, les enquêtes, essayant de faire réagir l'opinion publique et les politiques (Biden avait commencé, mais autant dire que maintenant ça va être compliqué...). Merci à l'autrice de nous faire parvenir cette enquête, de donner ses sources et d'avoir laissé la parole à beaucoup de femmes concernées.