Le côté de Guermantes : Le livre de Marcel Proust

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LES GRANDS TEXTES DU XXe SIECLE

Le Narrateur est entré dans le monde magique des Guermantes, dont le nom, enfant, le faisait rêver lors de promenades à Combray. Voisin de leur hôtel particulier parisien, il cultive son amour pour la duchesse " aux yeux ensoleillés d'un sourire bleu " et son amitié pour son neveu Robert de Saint Loup, alors cantonné dans sa garnison de Doncières. Ce séjour au milieu de ces jeunes officiers compte parmi les épisodes les plus gais et les plus heureux de la Recherche. Dans les salons de madame de Villeparisis, Guermantes elle aussi, il retrouve les foucades énigmatiques du baron de Charlus, figure majeure de cette " race altière ".
C'est l'époque où Marcel va connaître la plus grande douleur de sa vie : la maladie et la mort de sa grand-mère, jusqu'au dernier frisson, au dernier murmure de son agonie, sans doute les plus belles pages, merveilleuses et cruelles, de l'œuvre.


Cet ouvrage rassemble :
Le Côté de Guermantes I, Le Côté de Guermantes II

De (auteur) : Marcel Proust

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Expérience de lecture

Avis Babelio

AnnaCan

5.00 sur 5 étoiles

• Il y a 1 mois

Après avoir, dans À l'ombre des jeunes filles en fleurs, « affronté à la poésie du nom de Balbec la banalité du pays Balbec », Proust, ainsi qu'il s'en explique dans une lettre au journaliste Martin-Chauffier en 1920, devait « procéder de même pour le nom de personne de Guermantes », autrement dit, confronter, encore et toujours, la banalité du réel, si décevant par nature car strictement borné dans l'espace et le temps, aux territoires infinis de l'imagination : « Et cela m'était d'autant plus nécessaire de pouvoir chercher dans le « salon » de Mme de Guermantes, dans ses amis, le mystère de son nom, que je ne le trouvais pas dans sa personne quand je la voyais sortir le matin à pied ou l'après-midi en voiture. » Ainsi le narrateur, dans sa quête éperdue d'approcher le mystère du nom de Guermantes, poursuit-il dans la première moitié de ce troisième tome de la Recherche l'obsessionnel désir de se faire introduire auprès de la dédaigneuse et inaccessible duchesse, y parvient-il dans la seconde, précisément après que ce désir l'a quitté. L'intrigue paraît fort mince ainsi résumée, et pourtant, elle reste une inépuisable source d'émotions et de réflexions pour la lectrice que je suis, subjuguée par la richesse profuse qui en émane autant que par la virtuose architecture d'ensemble, l'épisode bouleversant, essentiel de la mort de la grand-mère occupant exactement le centre du volume, le coupant en son milieu avec la précision et l'élégance d'une césure à l'hémistiche. Intrigue fort mince, disais-je, qui pourrait tenir en quelques lignes et qui pourtant se déplie et se déploie sur un périmètre immense, offrant des considérations de stratégie militaire aussi bien que des réflexions décisives sur l'affaire Dreyfus, présentant une féconde méditation sur l'art ainsi qu'une coupe saisissante de la société parisienne sous la Troisième République, au tournant du dix-neuvième et du vingtième siècle. Mais Proust ne se contente pas de nous dresser un tableau panoramique de son époque, il en sonde les profondeurs, notamment psychologiques. Et pour ce faire, il utilise un outil formidable qu'il semble manier avec une aisance déconcertante et qui dût pourtant requérir de sa part des efforts cyclopéens : l'introspection. « Mais j'ai eu le malheur de commencer un livre par le mot « je » et aussitôt, on a cru qu'au lieu de chercher à découvrir des lois générales, je « m'analysais » au sens individuel et détestable du mot. Je remplacerais donc si vous voulez bien le terme roman d'analyse par celui de roman d'introspection. » (Lettre à André Lang, octobre 1921). Au premier niveau, à la surface en quelque sorte, nous suivons donc les péripéties d'un jeune snob s'efforçant par des moyens plus ou moins habiles de se faire remarquer par une duchesse de haut rang dont le salon est tenu pour l'un des plus prestigieux du Faubourg Saint-Germain. Qu'il se poste chaque matin sur le passage d'Oriane de Guermantes au risque de l'importuner, ou qu'il effectue enfin le voyage à Doncières où se tient la garnison de son ami Robert de Saint-Loup afin d'amener celui-ci, au prix d'habiles manoeuvres, à le recommander auprès de sa tante, notre jeune gandin nous apparaît tour à tour ridicule (à l'égard de la duchesse), calculateur (à l'égard de Saint-Loup), ingrat et égoïste (à l'égard de sa grand-mère souffrante). C'est qu'à ce premier niveau de lecture, qui n'est pas faux en soi, juste très incomplet, nous percevons le narrateur de l'extérieur. Or Proust introduit un deuxième niveau de lecture, et tout en exhibant avec un art consommé de l'autodérision les ridicules de son double de fiction, nous livre un deuxième récit, celui d'une vie secrète, intérieure qui double en permanence la vie publique du narrateur. Nous pressentons que si le jeune homme a si grand désir d'être admis dans le saint des saints, à savoir le salon d'Oriane de Guermantes, ce n'est pas pour des motifs vulgaires — snobisme ou ambition — mais pour des raisons plus subtiles qui, du reste, lui échappent dans le temps présent du récit, et qui ne seront éclaircies que peu à peu, par petites touches impressionnistes, conférant à celui-ci un authentique suspens. Au début de ce volume, le jeune homme est simplement déconcerté et désappointé par l'abîme qu'il découvre entre ce qu'il perçoit des Guermantes dans la vie réelle et les images merveilleuses que son imagination continue à produire sans relâche : « Il est vrai que mon esprit était embarrassé par certaines difficultés, et la présence du corps de Jésus-Christ dans l'hostie ne me semblait pas un mystère plus obscur que ce premier salon du Faubourg situé sur la rive droite et dont je pouvais de ma chambre entendre battre les meubles le matin. » Tout l'art de Proust consiste à nous faire voir et ressentir cet abîme en combinant deux approches, celle des Confessions, fidèle en cela à J-J Rousseau quand il affirme : « J'écris moins l'histoire des événements de ma vie que celle de l'état de mon âme », à celle d'une peinture des caractères et de la société de son temps au sens du duc de Saint-Simon ou De Balzac. Plongeant son narrateur dans le bain mondain, Proust se fait le portraitiste de ses contemporains avec ce mélange inimitable d'ironie mordante et de tendre indulgence que j'aime tant chez lui. Quand il décrypte le jeu du monde avec ses rituels, ses faux-semblants, ses entrechats de corps de ballets réglés au millimètre, découvrant des analogies entre des personnes et des castes a priori diamétralement opposées, quand il renverse les hiérarchies immuablement établies ou débusque sous le masque les ridicules et les tares de ceux qui n'en sont pas conscients eux-mêmes, c'est non seulement très finement observé, mais encore très drôle. Et si le portraitiste mondain peut parfois se montrer cruel (ah… ce snob de Legrandin et son « humilité de descente de lit »), jamais il ne se place en surplomb et ne prend ses personnages de haut. Proust était bien trop lucide sur son propre compte et par ailleurs doté d'une sensibilité le conduisant si naturellement à la compréhension des êtres pour verser dans le piège facile de la moquerie. Remontant en lui-même comme un explorateur de contrées inconnues, revenant à la racine de l'impression, qui, « si chétive qu'en semble la matière, si insaisissable la trace, est seule un critérium de vérité », il reconstitue dans la Recherche le processus par lequel il est lui-même passé, ce qui implique qu'il doit présenter comme vraies, à un moment donné, les erreurs de jugement du narrateur, aussi bien sur lui-même que sur les autres. Ainsi, à la fin du volume, alors que le jeune homme est enfin introduit dans le salon des Guermantes, alors que, méditant sur ce qu'il faut bien nommer sa déception, il commence à entrevoir que les raisons qui l'ont poussé avec une force invincible vers la duchesse sont si intimes et ineffables (comment expliquer la teinte orangée du nom de Guermantes? comment décrire l'effet magique que produit ce nom sur son imagination?) qu'elles ne peuvent être échangées et seront toujours source de malentendus entre lui et le monde, nous comprenons en filigrane que s'esquisse le grand projet, l'écriture du « livre intérieur » : « Malentendu si naturel et qui existera toujours entre un jeune homme rêveur et une femme du monde, mais qui le trouble profondément, tant qu'il n'a pas encore reconnu la nature de ses facultés d'imagination et n'a pas pris son parti des déceptions inévitables qu'il doit éprouver auprès des êtres, comme au théâtre, en voyage et même en amour. » Car le lecteur qui, lui, est en train de lire la Recherche sait que non seulement Proust a pris son parti des déceptions inévitables éprouvées en confrontant ce que son esprit lui a d'abord montré en imagination à l'expérience vécue, mais qu'il en a conçu un livre immense dans lequel des générations de lecteurs viendront puiser une incomparable aide à vivre.

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Fiche technique du livre

  • Genres
    Classiques et Littérature , Littérature Classique
  • EAN
    9782266306829
  • Collection ou Série
  • Format
    Poche
  • Nombre de pages
    816
  • Dimensions
    179 x 110 mm

L'auteur

Marcel Proust

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8,10 € Poche 816 pages