Lemon : Le livre de Kwon Yeo-Sun

Une jolie adolescente du nom de Hae-eon a été sauvagement assassinée. Deux adolescents sont soupçonnés de son meurtre, mais au final personne n'est arrêté. Des années plus tard, sa petite sœur se souvient de sa disparition et de ses conséquences. Même si le résumé pourrait le laisser penser, Lemon n'est pas un roman policier. Ici l'autrice s'intéresse beaucoup plus aux répercussions de cet évènement sur les différents protagonistes, même si en filigrane elle nous laisse suffisamment d'éléments pour pouvoir au moins échafauder une théorie. Dans ce récit, trois narratrices se passent la paroles pour dresser non seulement le tableau de leur situation plusieurs années après le crime, mais aussi et surtout un portrait de la société coréenne et de son impact sur les destins individuels. J'ai été très surprise par cet ouvrage. Tout d'abord, il se lit très vite, presque d'une traite. Ensuite, le style minimaliste de l'auteur est d'une efficacité redoutable : en peu de mot, elle arrive à faire passer beaucoup de choses, que ce soit au niveau des émotions ou de l'intrigue. Elle arrive à passer d'une narratrice et à faire des allers-retours temporels sans pour autant nous faire perdre le fil de l'intrigue. J'ai particulièrement été frappée par le personnage de Da-On, la petite sœur de la jeune fille tuée. Elle est d'une complexité peu commune, éveillant tantôt la sympathie et tantôt l'inquiétude, parfois au sein de la même page. Cette lecture fut une découverte plutôt agréable une fois que j'ai compris que je n'étais décidément pas face à un roman policier et que je me suis laissée emporter par le récit.

C'est une œuvre originale et pleine de rebondissements, glissés au fil des pages, sans avoir l'air d'y toucher. L'auteure nous plonge aux côtés de lycéens coréens qui vont voir leurs vies liées à jamais par un drame. La psychologie des personnages est très intéressante, notamment sur la manière dont chacun va faire face à ce traumatisme et faire "semblant" d'y survivre, bon an mal an. J'ai beaucoup aimé la construction du fil narratif, à la fois avec la pluralité des voix, mais aussi avec les différentes narrations choisies, où l'histoire se construit à travers des regards croisés, où des reflets de la vérité se dessinent entre les lignes. Un roman court mais percutant, qui donne à réfléchir sur le sens de la vie et les conséquences de nos actions.

Si j'adore les écrivains, hommes et femmes, coréens, cette nouvelle personne ne me contredit pas. Quelle jouissance ! sur un sujet lourd, douloureux, qui aborde bien sûr le thème de la mort, de la sororité, un thème très peu abordé, que ce soit en littérature ou ailleurs, cette nouvelle écrivaine (pour moi) aborde ces souffrances avec une pudeur, une presque légèreté, et pourtant une profondeur, époustouflante. Le livre se lit en quelques heures car lorsque vous entamez les premières pages, vous ne le lâchez plus. C'est remarquable. Il ne se raconte pas. Il est à lire.