L'Enfant aux cailloux : Le livre de Sophie Loubière

Un livre plutôt surprenant une fois la lecture terminée. L'autrice m'a assez malmené parce que j'ai été gênée par certains faits évoqués. Mais plus je lisais, plus je voulais découvrir la suite. Où la folie peut-elle amener ? Comment démêler le vrai du faux ? Ce sont les questions qu'on peut se poser à propos d'Elsa Préau, directrice d'école à la retraite, qui retourne vivre dans sa maison à la suite d'un séjour long de dix ans dans un centre où elle se reposait. La vieille dame aperçoit un jour un jeune garçon dans le jardin de ses voisins et le trouve plutôt isolé, malingre et dont les deux autres enfants ne s'occupent pas et jouent comme s'il n'était pas avec eux. Elsa va soupçonner un cas de maltraitance et va faire une surveillance assidue de cet enfant qui lui fait tant penser à son petit-fils... Merci à Lynda et Sylvie pour le conseil de lecture.

L’enfant aux cailloux est le premier roman que j’ai lu dans le cadre du Mois du polar 2025. Un roman qui m’a rapidement happée par son atmosphère pesante et lancinante et la manière dont Sophie Loubière sème le doute en nous. Ainsi, page après page, l’autrice nous pousse à nous demander où se situe la frontière entre (triste) réalité et hallucinations/paranoïa d’une retraitée qui a beaucoup de temps devant elle. Du temps qu’elle passe, entre autres, à observer la famille qui s’est installée à côté de chez elle. Celle-ci semble être une famille comme les autres, en apparence du moins, car en plus des deux enfants du couple qui semblent en bonne santé, apparaît de temps en temps, un garçon qui a l’air de l’être beaucoup moins… En ancienne directrice d’école, Elsa Préau ne peut rester de marbre devant la situation et décide de mener son enquête. Mais comment enquêter sur un potentiel cas de maltraitance infantile quand l’enfant concerné ne semble même pas exister, que ce soit dans les registres de l’école ou dans le livret de famille ? Notre protagoniste se laisse-t-elle emporter par son imagination et/ou son besoin d’être utile et donc d’exister, elle qui semble assez seule, ou a-t-elle vraiment observé depuis sa fenêtre l’inimaginable ? Une question hypnotique et entêtante qui souligne le principal atout de ce roman : le doute qu’il insinue dans le moindre recoin de notre cerveau. Un doute qui enfle, grandit et gronde jusqu’à se déverser en un torrent tumultueux au vu des enjeux : la vie d’un enfant, si enfant il y a ! Ce doute est d’autant plus angoissant que l‘autrice place au centre de son intrigue une protagoniste dont on peut douter de la fiabilité, sans pour autant complètement éliminer la possibilité qu’elle ait raison. À partir de là, impossible de lâcher le roman sans savoir si l’enfant aux cailloux existe et le cas échéant, si Elsa arrivera à le sauver de son enfer dont on devine hélas les terribles contours. Le doute qui nous tient en haleine est renforcé par l’ambiance pesante faite de bribes du passé qui se dévoilent progressivement à nous, de bruits étranges, d’odeurs nauséabondes qui rappellent le caractère malsain de cette histoire, et de la vie de notre protagoniste. Une femme partagée entre ses obsessions (l’une pouvant en cacher une autre), observations des voisins, visites de son fils médecin, et lettres envoyées sans réel espoir de réponse. Une héroïne qui aurait dû m’attendrir mais pour laquelle j’ai éprouvé de la difficulté à ressentir de l’empathie, l’écriture de l’autrice manquant, du moins pour moi, de ce liant qui permet de se sentir attaché à un personnage. Vu les sujets abordés, cela est-il peut-être préférable afin de permettre aux lecteurs de se confronter aux événements et aux révélations sans se laisser submerger. À cet égard, en plus de la maltraitance infantile, des rapports fils/mère parfois compliqués et de la solitude des personnes du troisième âge, l’autrice évoque un sujet bouleversant avec une sorte de pudeur finalement caractéristique d’Elsa qui dénonce et lutte, mais ne semble jamais se dévoiler personnellement. Peut-être l’habitude d’un ancien métier qui nécessite souvent de s’oublier pour accompagner et, parfois, sauver. En conclusion, je retiens de ce thriller les thèmes forts, l’ambiance pesante et malaisante qui nous colle à la peau mais aussi la manière dont Sophie Loubière s’attache l’attention du lecteur en instaurant en lui, couche après couche, le doute et le besoin irrépressible de démêler le vrai du faux afin de découvrir la vérité. Quelle qu’elle soit… S’il m’a manqué ce liant et cette émotion dans l’écriture pour complètement m’embarquer, L’enfant aux cailloux n’en demeure pas moins un roman fort dont la puissance des thèmes explique que la narration s’efface parfois pour mieux les souligner.

Je me suis penchée sur ce thriller parce que je suis la chaîne « Il est bien ce livre » depuis plusieurs années, et sa créatrice, Séverine, a toujours dit que c’était ce livre qui lui avait donné envie de se faire une place dans la « book sphère » pour pouvoir parler de ses coups de cœur littéraires. Un polar vieux de dix ans mais qui a toujours un fil suffisamment tendu de suspens pour vous tenir éveillé ! « Ce que Mme Préau découvrit alors la mortifia. En quittant le taxi, elle n'avait eu d'yeux que pour le côté gauche de la rue, celui où se trouve sa maison. Il ne restait rien de l'immense terrain boisé qui s'étendait juste en face. Son propriétaire l'avait vendu et découpé en parcelles, lui aussi. Là où vivait jadis un renard, là où des gamins du quartier allaient chaque été à la rapine gonfler leurs polos de prunes, cerises et groseilles à maquereau puis plongeaient leurs mains couvertes de griffures dans les muriers, là où se dressait un calvaire agrémenté d'une fontaine construite au début du siècle dernier, deux pavillons de plain - pied avaient poussé, affichant leur crépi fadasse. » Mme Préau, institutrice à la retraite, revient dans la maison familiale et découvre, avec horreur, qu’elle se retrouve avec des voisins très proches. Après un moment de répulsion, voici notre sexagénaire occupée à espionner ce qui se passe à côté à l’aide de jumelles pour occuper ses journées. « Mme Préau nota un autre détail important dans son carnet ; cela concernait le comportement du garçonnet. Lorsqu'il apparaissait sur le palier du pavillon, il ne se précipitait jamais pour aller jouer. Il se frottait les yeux comme ébloui, puis descendait les quelques marches du perron d'un pas mal assuré. » Elsa Préau se rend rapidement compte qu’il y a un troisième enfant chez ses voisins, mais celui- ci n’apparaît nulle part sur les registres des services sociaux et policiers qu’elle sollicite. Et si elle délirait ? Au final, un roman noir qui se dévore, à coups de suspens et de touches d’humour concernant la vieille dame. J’ai été déstabilisée par le portrait de vieille dame loufoque, puis je me suis attachée à cette Elsa certes excentrique mais ultrasensible. Un petit bijou !

il y a beaucoup de point du livre que j'ai trouvé très intéressant, mais je trouve qu'il a aussi quelques défauts. [masquer] Les points positifs : - on a un point de vue d'un personnage principal ayant une maladie mentale, que je trouve vraiment bien retranscrite dans le récit. Je n'ai pas apprécié ce Elsa, mais j'imagine que c'est ce qui était voulu de la part de l'auteur et c'est réussi. - L'auteur réussit vraiment bien à nous faire douter de la réalité que l'on croit percevoir à travers les yeux d'Elsa. Nous savons pas si l'enfant est une vision ou s'il existe vraiment pendant un long moment du récit. - Je n'ai pas été surprise du fait que les enfants de la famille Desmoulins aient vraiment subi des violences, mais nous gardons tout de même le doute jusqu'à la fin. - le déni que les proches aidant (d'un malade) peuvent ressentir est vraiment bien représenté Les points négatifs selon moi : - Je trouve que dommage le fait que cette maladie soit issue d'un traumatisme de guerre. Dans le sens ou l'on ressent un peu plus de compassion pour ce personnage qu'on aime de moins en moins tout au long de l'histoire. C'est dommage parce que le sentiment allait crescendo. Ça gâche, selon moi, une grosse partie du livre - Je ne trouve pas que les autres personnages soient spécialement intéressant - Dommage que la mort de Bastien ai été justifiée. Mettre cela sur un moment de folie d'Elsa aurait été plus poignant - Idem pour le fait qu'elle sache pour la maladie de Bastien et les sous entendus qu'elle fait sur sa belle-fille qui "portait le mal". Enfin bref, les sujets abordés sont intéressants mais auraient vraiment pu être plus poussé sans chercher des excuses pour chaque acte qui a été fait.