Mélancolie de l'Europe : Le livre de Stefan Zweig

Voilà un recueil de très beaux textes de l’immense Stefan Zweig. Couvrant la période allant de 1909 à 1941, on comprend tout de suite que l’écrivain nous convie à un rendez-vous personnel et direct avec ce que l’Histoire offre de tragique. Que penser de la marche du monde lorsqu’on a vécu la Première Guerre mondiale ? Et que l’on a observé la dérive du monde des années Trente ? Et bien sûr, le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale ? Que penser des Hommes, des pays, de la Terre, de l’humanité, de l’avenir, de l’espoir ? Que faire et que dire lorsqu’on est un intellectuel lucide, courageux, international de cœur et d’esprit, pris dans les tourmentes de la folie des hommes ? Eh bien c’est ce que nous donne à lire ce magnifique livre intitulé « Mélancolie de l’Europe ». Le titre dit tout ou presque de l’état d’esprit de l’auteur. Les regrets ne sont jamais loin mais les raisons d’espérer non plus. Dans un effort surhumain, Zweig se prend à rêver d’un monde meilleur, d’un monde capable de se réformer, de progresser et pour cela il imagine ce que devrait être l’éducation du futur. Elle devrait tourner le dos au culte du héros, au biais qui consiste à réduire l’histoire à une suite de batailles, de guerres, gagnées ou perdues, et faire place au récit de ce qui peut unir les générations à venir : l’amour des arts, la connaissance des sciences et des techniques seules capables de rassembler les hommes, et qui pourraient ainsi bâtir une « maison commune » [l’expression est de lui]. Il décrit par le menu toutes les initiatives qu’il faudrait prendre pour réconcilier les Européens et l’on découvre, fruit d’une prémonition étonnante, que la plupart ont bel et bien été mises en œuvre par la « Construction européenne » : le programme Erasmus, la chaîne Arte, la libre circulation des personnes, l’enseignement de l’Histoire revisité… Peut-être est-ce pour cela que notre Continent vit en paix depuis 80 ans. Cet exemple, montrer combien Zweig veut encore et toujours croire que l’humanité peut progresser si elle décide de tourner le dos à ses vieux démons. On sait que cet espoir ne suffira pas puisque l’écrivain se donnera la mort au Brésil en 1942. Mais on ne peut que saluer l’effort prométhéen d’imaginer un monde meilleur. A lire et à relire.