Mort noire : Le livre de Laetitia Bourgeois

J’étais tombée sur ce petit roman il y a déjà plusieurs années, et il a attendu un certain temps dans ma bibliothèque que ce soit « notre » moment de rencontre. Nous sommes en 1361, dans la petite bourgade du Puy, lorsque Dalmas Bouthéac, capitaine-mage de la cité, se voit obligé d’enquêter sur base des dires d’un corbeau : lors de la grande épidémie de peste de 1348, un concitoyen, un clerc de notaire, a été emprisonné et tué, et n’a donc pas péri à cause de la peste. Mareta, l’épouse de Remey, la victime, Louise la donade, Chiselli, le commerçant en gros anciennement notaire, Degleyze le notaire, Alays, la jeune fille recueillie au monastère… Bouthéac, qui les rencontrera dans le cadre de son enquête, aura fort à faire pour découvrir la vérité… J’ai passé un bon moment à suivre l’enquête du capitaine Bouthéac, et à en apprendre un peu plus sur la vie à cette époque : métiers, ordres religieux, alimentation, médecine… L’auteure est docteur en histoire médiévale, et son roman sonne juste. Avec une écriture très accessible, elle nous plonge, grâce à ses descriptions détaillées, dans les odeurs et dans l’ambiance du bourg, dans la paille, la boue, les remugles et relents, mais également dans toute cette atmosphère de suspicion due à la manière dont était appréhendée la peste à cette époque (châtiment ou punition divine) et dont on en jouait : les morts étaient entre autres l’occasion de spolier des familles de leurs biens. Religion, superstition, envie, bassesse, cupidité, pouvoir… Le tableau dépeint est celui d’une époque, mais est finalement intemporel. En effet, avec des thématiques également plus actuelles, avec des personnages réalistes, qu’ils soient religieux, notaires ou commerçants, Laetitia Bourgeois a réussi à m’emmener là où je n’aurais pas spécialement pensé apprécier me retrouver. J’ai appris un certain nombre de choses, comme le terme de « donade », qui est une femme vivant dans un monastère et y assurant une participation à la vie quotidienne sans avoir prononcé de vœux formels. J’ai également apprécié ce contexte particulier, post-épidémique, dans lequel les femmes se retrouvaient à jouer un rôle plus grand que celui qui leur était habituellement dévolu, étant donné le nombre important de morts. En résumé, une bonne surprise, un passage par le Moyen-âge et un agréable moment de lecture.

Comme beaucoup de romans écrit par des historien.nes, Mort Noire a une bonne base crédible, apprend beaucoup et sent le vrai. Malheureusement, il manque généralement des qualités littéraires qui rendraient l’exposé de connaissances réellement intéressant. Contrairement à d’autres, cela dit, Mort Noire ne donne pas uniquement l’impression d’être un étalage de connaissance avec un personnage original fréquentant quelques personnages historiques réels, mais n’a tout de même pas grand intérêt pour un polar qui se mène sans le lecteur et sans réelle intrigue. Les personnages sont intéressants et les choix faits sont originaux, mais ça ne suffit pas à faire une bonne histoire.

La grande Peste de 1348 a fait des ravages, et quelques années plus tard, elle a refait son apparition, causant désolation et accablement. En particulier dans la ville du Puy, où nous suivons Louise, une "donade" (sorte de religieuse) de l'Hôpital et Mareta, jeune veuve et aubergiste. Remey, le mari de Mareta, est soi-disant mort de la peste alors qu'il a succombé en prison. Tout ceci forme un véritable noeud de vipères qui sera dénoué dans le dernier chapitre. En attendant, l'auteure décrit bien la façon de vivre à cette époque, c'est d'ailleurs son métier, elle est historienne. Mais je n'ai pas été emportée par un souffle romanesque, je ne sais pourquoi. Narration trop classique ? Style sans effet particulier ? Je devrais analyser plus avant mon impression mitigée, mais je n'ai guère l'envie de m'attarder sur ce sujet macabre. Et je vais passer mon chemin loin de la Mort noire.

Laeticia Bourgeois est docteure en histoire médiévale. Elle concentre ses recherches sur le Gévaudan et la région du Puy en Velay. Elle partage celles-ci sous forme de romans policiers historiques pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. L’histoire se déroule en 1361, lors d’une épidémie de peste au Puy. Un corbeau sévit pour faire renaitre une affaire qui s’est déroulée lors de la Grande Peste de 1348. Une phrase insérée dans le corps du texte donne le ton « Pourquoi, en 1348, alors que sévissait la pire mortalité de mémoire humaine, est-on allé arrêter et emprisonner un clerc de notaire ? Et pourquoi n’a-t-on laissé aucune trace ? J’ai cherché dans les registres de la prison. Son nom n’y est pas inscrit ». Mort noire est ma première rencontre avec cette autrice. Et un succès. Ce roman est bien écrit et tient le lecteur en haleine. L’intrigue est bouclée en un peu plus de 200 pages, un nombre de pages correct pour ne pas diluer l’histoire sans apport à l’intrigue. Ce roman est me semble-t-il de la bonne vulgarisation historique. Je choisirai à l'avenir très probablement d’autres ouvrages dans son intéressante bibliographie.