Résidence Saha : Le livre de Cho Nam-Joo

Toujours à la découverte de la diversité de la littérature coréenne, c’est cette fois avec un court roman d’anticipation que je reviens, un roman entre 1984 et K.Dick avec la sensibilité, la froideur (?) d’écriture qu’on connaît aux coréens. De l’autrice, j’ai déjà lu et aimé Kim Jiyoung cette année, je connaissais donc sa plume. J’ai tout de même été agréablement surprise par le récit étrange et au scalpel qu’elle nous offre dans un univers futuriste dystopique où une ville-Etat appelée Town est dirigée par de mystérieux Premiers Ministres qui ont parqué les habitants en fonction de leurs origines et métiers dans différents lieux de résidences. Quand bien sûr un meurtre se produit… Avec la plume tranchante que je connais à l’autrice, celle-ci m’a plongée dans le quotidien des habitants d’une des résidences, la Résidence Saha, dont les habitants sont perçus comme des déchets et qu’on suspecte bien sûr du meurtre. L’occasion pour découvrir leur histoire, leur quotidien, leur lien, mais aussi le fonctionnement de cette étrange ville et peut-être percer le secret de ce meurtre. Dystopie oblige, l’autrice brosse un portrait fort sombre, qui n’est pas sans rappeler la noirceur d’un K.Dick ou la société mystérieusement contrôlée de 1984. Elle nous parle ainsi de pandémie, d’immigration, d’orientation/classement des individus, d’avortements clandestins, d’enfants abandonnés ou de personnes atteintes de maladies mentales et rejetées pour cela. C’est assez rude et poignant. Chaque chapitre est une plongée au sein de la vie d’un des habitants de la résidence, tantôt dans le présent, tantôt dans le passé. C’est plein de mystère et de secret, toujours dans une ambiance assez froide et solitaire qui prend à la gorge et dérange. En revanche, je regrette un peu, comme dans Kim Jiyoung que le fil conducteur ne soit pas plus marqué, les propos plus assurés et que l’autrice se perdent dans ses portraits, oubliant un peu le cadre dystopique et politique de son histoire ainsi que le meurtre qui a eu lieu. Ce ne sont pas eux qui importent pour elle, mais plutôt les portraits qu’elle dresse, qui oui sont poignants, mais qui ne font pas tout pour moi. J’aurais aimé plus de narratif sur cette ville, son fonctionnement, ses autres habitants, sa direction. Cela m’a manqué. Intéressante plongée dans une SF coréenne toute en subtilité et atmosphère comme bien de leurs textes. Cho Nam-Joo aime ces portraits de femmes et d’hommes marginaux, rejetés, esquintés par la vie. Elle sait parfaitement nous les retranscrire sans les trahir, en gardant avec émotion leur âpreté. J’aimerais juste qu’elle mette le même soin dans le décor de ses histoires car au final l’enquête, tout comme la dystopie, furent trop ténus pour moi.