Un coup de pied dans la poussière : Le livre de Baptiste Fillon

L’exil pour patrie. 1940, sur les terres alors palestiniennes. A l’occasion d’un assaut, Nissan, un jeune juif, refuse de tirer sur un vieil arabe. Répudié par sa famille et sa communauté, il partira se réfugier dans la peinture à Tel Aviv. Quitter cette terre, où guerre et fracas tapissent le quotidien, sera la quête de toute sa vie. Au cœur de ce récit, l’histoire d’un homme tiraillé entre le devoir de combattre auprès de sa famille et la nécessité farouche de fuir cette furie à tout prix. Un roman à hauteur d’homme pour comprendre l’histoire de ce pays et les maux qu’ils suscitent.

"Quand il était à l’œuvre, le monde s'évanouissait pour devenir une émanation de lui-même, familière et bruissante ; il s'affairait avec la honte d'un enfant qui se touche. Pour la famille, l'art ne servait à rien, ne fertilisait pas les champs, ne nourrissait pas les bêtes". Choisir sa voie n'est jamais simple, creuser sa veine artistique encore moins. Pour Nissan, les circonstances et influences extérieures convergent vers l'impossible. Né dans une Ukraine dévastée au lendemain de la première guerre mondiale, il grandit en Galilée où sa famille s'est installée, contrainte à l'exil comme de nombreux juifs d'Europe de l'Est. Benjamin de la fratrie, il est sous la surveillance constante de sa sœur aînée, Esther, qui dirige l'exploitation agricole d'une main de fer et de son frère Zeev, engagé très tôt dans les forces d'auto défense juives. Dans les années 30, sous administration britannique, les arpents de terre désertique se gagnent au prix de heurts incessants entre nouveaux arrivants juifs et habitants arabes des villages implantés. Esther et Zeev militent et agissent sans dévier de ce qu'ils ressentent comme une cause et une nécessité de survie, sans états d'âme. Pour Nissan, c'est beaucoup plus compliqué. Sa sensibilité s'exprime par le dessin, en cachette, sur du temps volé à ses tâches dans la ferme. Lorsqu'il se voit forcé de rejoindre la brigade de Zeev et de prendre les armes il n'a que quinze ans. Cette expérience sera un déclic, son destin sera marqué par un acte de désobéissance qui lui vaudra le bannissement de sa communauté et un long parcours vers la pleine liberté de conscience. Suivre Nissan c'est faire face à la complexité d'une existence soumise à des contraintes qui l'enferment contre son gré dans des combats qu'il ne veut pas voir diriger sa vie. Le regard d'artiste qu'il porte sur les êtres le pousse non seulement à l'empathie mais aussi à la remise en cause des diktats qui fédèrent sa communauté. Tiraillé entre loyauté familiale, convictions profondes et désir de s'enfuir, il souffre d'être sans cesse ramené à une identité censée justifier des agissements qu'il réprouve. Tout ceci est parfaitement perceptible dans ce roman qui s'aventure en terrain sensible pour mieux mettre en lumière l'ultime pouvoir de l'être humain : le courage de dire non. Faites de l'art, pas la guerre. Tel pourrait être le message de Nissan aux génération futures. Il y a encore du boulot, mais espérer n'est pas interdit.

J’ai reçu ce livre dans le cadre d’une opération Masse critique, je remercie Babelio et l’éditeur. Le sujet m’intéressait, et le livre décrit parfaitement le contexte historique. L’histoire est très dure, mais les passages sur l’art ou sur la vie quotidienne permettent de sortir un peu de cette noirceur. Je regrette de ne pas avoir été touchée par Nissan … et plus globalement par ce livre alors que tous les ingrédients semblaient présents. Je pense qu’il y a trop d’événements, trop de personnages peut être et finalement pas assez développés. Pourtant je ne suis pas forcément une adepte des longues descriptions mais il me manque des éléments pour mieux comprendre Nissan, et même d’autres membres de sa famille.