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Rentrée littéraire 2024 : le premier roman inoubliable de Roberta Recchia
Publié le 20/09/2024 , par Lisez

L'italienne Roberta Recchia nous offre un premier roman d'une force indéniable et nous plonge dans le Rome des années 50. Une histoire de courage, de résilience, de rédemption à découvrir en cette rentrée littéraire.
Roman d’amour ? Roman noir ? Roman familial ? Difficile de qualifier ce bel et poignant ouvrage venu d’Italie, tant l’autrice, Roberta Recchia, mêle les genres. Elle le fait avec une formidable habileté, ne laissant à son lecteur aucun répit, l’embarquant avec elle dans une saisissante aventure. Sa manière de donner vie à Marisa, Stelvio, Miriam, Corallina ou Leo est la grande réussite du livre : jamais elle ne se laisse aller à une sensiblerie de mauvais augure, préférant faire des ses protagonistes des êtres de chair et de sang, marqués à jamais par une tragédie.
Marisa et Stelvio n’étaient pas destinés l’un à l’autre. Mais à Rome, en ces années 50, la vie, l’époque, le qu’en dira-t-on, les font se rencontrer, se marier et, contre toute attente, s’aimer. De leur union naîtront deux enfants. La plus jeune, Betta, a dix-sept ans et sa joie de vivre, sa beauté, sa sensualité ne laissent personne indifférent. Lorsque, pendant des vacances joyeuses et insouciantes, elle sera assassinée sur une plage, le monde s’écroule. Marisa s’enferme dans son chagrin et l’amour de son mari ne la consolera pas. Comment continuer à vivre quand la chair de sa chair n’est plus ? Comment accepter une telle violence, une telle monstruosité ? Sa nièce Miriam, jeune fille réservée, bien moins exubérante que sa cousine Betta, s’enfonce, elle aussi, dans la dépression, et, si elle sort quelques heures la tête de l’eau, c’est qu’elle avale des anxiolytiques, de plus en plus d’anxiolytiques, elle n’aspire qu’au néant quand Marisa refuse d’oublier. Prête à tout pour obtenir sa dose, Miriam rencontre par hasard un jeune dealer, Leo, et la sœur de ce dernier, Corallina, transsexuelle drôle et touchante, généreuse et sensible. Tous deux, ils tenteront de sauver cette gamine meurtrie.
Roberta Recchia, dont c’est le tout premier roman, aurait pu se contenter de raconter une simple histoire de meurtre, mais ce n’est pas ce qui l’anime. Elle s’intéresse à l’après, aux conséquences, à « la vie qui reste ». La résilience est le grand sujet du livre, la rédemption aussi. Elle décrypte avec sincérité et beaucoup d’empathie les sensations de chacun, le chemin que devront emprunter ces âmes mutilées, amochées, pour se réconcilier avec la vie, avec eux-mêmes. Elle fouille dans les cœurs, rend compte du pire, illumine parfois ces pages grâce au regard d’un jeune homme prêt à tout pour voir naître le sourire d’une fille aimée, celui, optimiste, d’une femme transgenre, à la destinée pourtant bien sombre, d’un mari acceptant le silence de sa femme, supportant sans mot dire une solitude qui serre le cœur. Ce roman, c’est aussi ça : une nuit qui semble ne jamais prendre fin. Et puis, des étoiles qui soudain brillent plus fort et éclairent un avenir qu’on croyait condamné. L’amour des siens, l’amour tout court, illuminent parfois la destinée des victimes de tragédie. Il faut les aider à croire qu’un lendemain est possible, malgré tout. On referme ces pages la gorge serrée, sûr de pas oublier ces êtres ordinaires transformés par l’horreur et le chagrin en héros extraordinaires.
Lisez ! · Minute Lecture - La Vie qui reste, Robert Recchia