Interview
Découvrez l'Arkansas d'Eli Cranor
Publié le 09/01/2025 , par Sonatine
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Eli Cranor est de ces auteurs que nous sommes farouchement, obstinément et âprement fiers de défendre chez Sonatine car, au-delà d’un solide talent, il est issu de ces marges qu’il prend pour sujet. Et Chiens des Ozarks rappelle une évidence qu’on aurait tendance à oublier : la littérature a encore un pouvoir social, celui de la critique. Ses dénonciation subtiles ne passent jamais par la contestation ouvertement énoncée, mais se jouent dans un léger décalage : l’enrayage de la belle mécanique américaine. Sous une apparente simplicité narrative, Eli Cranor a tout d’un grand et Chiens des Ozarks, d’un futur classique.
Nous sommes très impatients de vous présenter au public français ! Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Eli Cranor. Je suis écrivain actuellement en résidence à l'université Arkansas Tech. Je vis sur les rives du lac Dardanelle avec ma famille, un chat noir et un chien aux yeux bleus.
La rudesse des Ozarks et la casse automobile constituent un décor très particulier qui ancre le roman dans la réalité. Quelle est votre relation avec ces lieux ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de les utiliser comme décor pour votre histoire ?
J'ai vécu dans différents endroits du monde (le sud de la Floride et la Suède, entre autres), et j'ai constaté que les gens ne savent pas grand-chose de l'Arkansas. Or je suis né et j'ai grandi dans l'Arkansas. Pour le meilleur ou pour le pire, cet État m'a façonné et a fait de moi la personne que je suis. J'ai choisi de situer Chiens des Ozarks dans un cadre fictif parce que l'histoire que j’y raconte a été inspirée par un double homicide qui a réellement eu lieu dans ma ville natale. Mais de nombreux lieux cités dans le roman (Nuclear One, Big Mother, Piney Creek) sont réels. J’aime particulièrement les romans qui se situent quelque part entre la réalité et la fiction. Là où la frontière s'estompe : c’est ce qui m'intéresse le plus.
La relation entre Jeremiah et Joanna est à la fois belle et complexe. On ressent tout l'amour qui peut unir une famille, mais aussi la distance créée par les secrets et le fossé entre les générations. Pourquoi avez-vous décidé de dépeindre une relation entre un grand-père et sa petite-fille ? C'est assez rare dans la littérature noire !
J'ai enseigné dans des lycées publics pendant plus de dix ans. Beaucoup de mes élèves venaient de familles pauvres et étaient élevés par leurs grands-parents. Il y avait différentes raisons à cela, mais la plupart du temps, c'était parce que les parents étaient absents. Certains travaillaient dans d'autres États. D'autres étaient en prison. Ce fossé entre les générations, le fait que les grands-parents endossent ce rôle de tuteur, c’était nouveau pour moi aussi. Cela m'a rendu curieux, et cette curiosité a donné naissance à Jeremiah et Jo.
Dès le chapitre 1, nous découvrons que Jeremiah possède beaucoup d'armes, mais aussi beaucoup de livres ! Quels sont les livres qui vous ont inspiré pour l'écriture ? Quelle est la place de la littérature dans le monde violent que vous décrivez ?
Pendant mes études, j'ai lu beaucoup Larry Brown, Harry Crews, et Flannery O'Connor. En gros, tous les auteurs du Sud que je pouvais trouver. Ce n'est que lorsque j'ai commencé à essayer d'écrire que je me suis intéressé au genre du polar. Aujourd'hui, mon auteur préféré est Elmore Leonard. J'ai lu ses quarante-deux romans et je les relis aussi souvent que possible. Je ne suis pas sûr de la place que j’occupe dans la littérature (si j'ai de la chance, le temps le dira), mais je suis ravi de savoir que mes romans ont une nouvelle maison en France.
Chiens des Ozarks, traduit par Emmanuelle Heurtebize, est déjà en librairie.