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Après sept ans d'attente, le nouveau roman d'Haruki Murakami
Publié le 30/01/2025 , par Lisez
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Ses admirateurs le savent : ouvrir un ouvrage d’Haruki Murakami est une expérience unique. Ce nouveau roman ne déroge pas à la règle. Une fois encore, l’auteur japonais nous embarque dans une extraordinaire aventure entre rêve et réalité.
C’est lui-même qui l’écrit dans sa postface : ce roman de plus de 500 pages était à l’origine une nouvelle. Une nouvelle qui l’a hanté, lui semblait inachevée. Avec l’âge, l’expérience, il s’est enfin senti prêt à tout reprendre à zéro. Ses lecteurs ont patienté longtemps - trop longtemps ! – mais leur attente est enfin récompensée.
Le livre développe tous les thèmes chers au romancier : l’amour absolu, la solitude, la littérature, la quête existentielle, teintés de réalisme magique… tant de sujets qu’il développe avec cet art venu d’on ne sait où et qui, chaque fois, nous bouleverse. Un garçon de dix-sept ans tombe amoureux fou d’une jeune fille fragile à peine plus jeune que lui. Entre eux, une intimité immédiate, non pas physique mais spirituelle. Ils se comprennent, s’écrivent beaucoup, se rencontrent parfois, toujours intensément. Elle lui parle de cette cité rêvée où vit son véritable moi. Impossible d’y pénétrer sauf si on le désire ardemment. Un jour la jeune fille disparaît, le garçon ne peut pas vivre sans elle. Et n’a qu’un but, entrer dans cette cité, conçue pour ceux qui ne trouvent pas leur place dans le monde réel, et tenter de la retrouver. Il y parviendra et nous le suivons dans ce lieu étrange et glacial, où l’horloge de la place principale n’a pas d’aiguilles, où le temps semble ne pas exister, où les licornes sont les seuls animaux à y brouter. Mais avant de s’y introduire, il doit rendre définitivement son ombre et accepter de ne plus jamais en repartir. Il sera liseur de rêves, « que je ne lisais pas avec les yeux mais avec le cœur », et retrouvera la jeune fille qui ne le reconnaît pas.
Dans une deuxième partie, peut-être la plus émouvante, le garçon est devenu un homme dans la force de l’âge, il est sorti de la cité et devient bibliothécaire d’une petite ville de montagne proche de Fukushima. Il est seul, comme toujours depuis la disparition de son amour perdu. Et rencontrera des personnages singuliers qui l’aideront à trouver un équilibre. Chez Murakami, on croise des ombres loquaces, des fantômes tentant de comprendre l’âme humaine, des hommes s’habillant en jupe, des femmes tenant des cafés sans nom, des adolescents savants. Et ces personnages, toujours mélancoliques, ont quelque chose à nous apprendre. Ce roman foisonnant interroge bien sûr. Pourquoi le temps nous oppresse-t-il tant ? Peut-on rester fidèle à jamais au souvenir d’un amour lointain ? Où se trouve la frontière entre rêve et réalité ? Avec le héros, nous entrons dans un univers prodigieux et ne voulons plus le quitter. C’est tout l’art d’Haruki Murakami : il nous laisse nous perdre dans le labyrinthe de son imagination, nous montre un chemin, puis nous égare à nouveau, et nous nous laissons porter, presque hypnotisés, par sa prose si délicate, ces phrases magiques et poétiques qui, longtemps après avoir refermé le livre, continuent à nous envoûter.