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La Librairie des livres interdits : partez à la découverte du dernier roman de Marc Levy
Publié le 13/12/2024 , par Lisez
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Un régime devenu fou, des chefs-d’œuvre de la littérature interdits, un amour naissant… Dans son nouveau roman, Marc Levy mêle habilement politique-fiction et romanesque et nous embarque avec lui dans une intrigue aussi haletante que passionnante.
On le comprend dès les premières pages. Mitch sort de cinq ans de prison. Mais qu’a donc pu faire ce libraire solitaire et passionné de littérature ? On a bien du mal à voir en ce jeune homme un criminel. Son délit ? Avoir vendu des livres interdits. La loi HB 1467 sévit dans une France devenue autoritaire et populiste, un état qui maudit toutes formes d’écrits scandaleux, entendez immoraux. Dorénavant, certains sujets sont jugés illicites : la culture LGBT, les questions de race, les violences policières ou les scènes de sexe, autant dire la plupart des ouvrages, ne pourront plus être lus, ni achetés sous menace de représailles.
Ce monde dans lequel nous entraîne Marc Levy paraît insensé, irréel, et pourtant… aujourd’hui, dans certains états d’Amérique, alerte le romancier à la fin de l’ouvrage, des titres d’auteurs aussi prestigieux que ceux de Toni Morrison, prix Nobel de littérature, de John Steinbeck et son célébrissime Des souris et des hommes, Le Journal culte d’Anne Frank, sont peu à peu retirés des bibliothèques. Feraient-ils peur aux politiques ? Ont-ils compris que de simples mots peuvent changer les destins ? Bousculer, ouvrir les esprits ?
Mitch a soif de vengeance, revenu de ces années de cauchemar, il est décidé à faire payer ceux qui ont contribué à son arrestation. Mais au même moment, il rencontre une femme comme il n’en a jamais connue. Anna est méfiante, sauvage, déterminée et elle détient un lourd secret.
C’est tout l’art de Marc Levy de savoir mêler les genres. D’abord dramatique, La Librairie des livres interdits se fait comédie romantique policière, politique. Les deux héros, anéantis puis survivants, deviennent des amoureux… combattants. Ensemble, ils découvriront les magouilles des puissants, les jalousies et les brutalités, ces ravages qui mènent parfois l’être humain à détruire ce qu’il a aimé.
Des personnages secondaires, tendres et drolatiques, entourent le héros. Des femmes et des hommes venus de milieux différents, seulement unis par leur passion commune. Elle les mènera très loin : les voilà prêts, au nom de la littérature, à prendre tous les risques. Bien sûr, on pense à La Servante écarlate de Margaret Atwood mais il est aussi parfois question dans ces pages de Fahrenheit 452. Dans le roman de Ray Bradbury, les ouvrages étaient jetés au feu mais l’espoir subsistait : des résistants avaient retenu le contenu d’un livre, ils se souvenaient de chaque mot, les répétaient indéfiniment. Dans sa prison, Mitch résiste aussi en récitant des bribes de chefs-d’œuvre aux autres détenus. La prose de Flaubert comme un refuge, mieux, comme un avant-goût de liberté.
Et nous, simples lecteurs, jusqu’où irions-nous pour sauver Salinger ou Harper Lee ? La question mérite d’être posée, le monde pourrait un jour perdre la tête et, pourquoi pas, nous condamner à une telle abstinence. Avec son roman, Marc Levy nous met en garde : le lien entre fiction et réalité est parfois si ténu.