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Rentrée littéraire : le nouveau roman de Jean-Paul Delfino
Publié le 06/09/2024 , par Lisez

Découvrez la vie extraordinaire de Suzanne Valadon dans le nouveau roman de Jean-Paul Delfino : L'Affranchie de Montmartre.
C’est encore un village. Le baron Haussmann ne s’intéresse pas à ce quartier de Paris et n’a pas démoli les bicoques alentour pour mieux les transformer en grandes et fières avenues. À Montmartre, rien ne change, on est pauvres, parfois miséreux, mais on sait aussi rire et prendre la vie comme elle vient. En cette fin de XIXe siècle, à chaque croisement, dans chaque gargote, une figure haute en couleur peut vous apostropher et vous réciter des vers. Cet univers, c’est le seul que connaisse Marie-Clémentine Valadon, fille d’une mère célibataire, couturière de son état. Son enfant est joyeuse, curieuse de tout, peu farouche et…tenace. Son rêve, c’est le cirque, elle passe et repasse devant celui du boulevard Rochechouart, ose franchir les portes et devient Olga, écuyère, rien que ça.
En repensant à sa jeunesse, celle qui est devenue Suzanne Valadon en deviendrait presque nostalgique. La grande peintre, mère de Maurice Utrillo, aura eu mille vies qu’elle accepte, au soir de sa vie, de raconter. Elle a beaucoup menti sur son histoire, il n’était pourtant pas besoin de grossir le trait tant son existence fut à la fois vertigineuse et magnifique. Jean-Paul Delfino s’est tant imprégné de ce destin hors norme qu’il parvient à utiliser ses mots, à retracer, avec force et vérité, la trajectoire de celle qui n’a jamais écrit une ligne sur ses rencontres, ni sur son œuvre, encore moins sur ce fils, aussi génial que déséquilibré.
Après le cirque, elle devient le modèle le plus célèbre de la Butte, ses amis – et souvent ses amants – s’appellent Puvis de Chavannes, Francis Carco, Erik Satie, qui ne se remettra jamais de leur rupture, ou Renoir. Rebaptisée Maria, elle est aussi rousse que flamboyante et conquiert grâce à son charme les cœurs les plus secs. Mais elle n’est pas tout à fait un modèle comme les autres : elle observe. Et se met elle aussi à dessiner, à peindre, ne copie pas, trouve son style et il est éblouissant. Toulouse-Lautrec, ce « nabot magnifique », lui trouve son nom d’artiste : Suzanne Valadon, la seule femme peintre qui met tout le monde d’accord : ses toiles valent ô combien celles des hommes. Degas lui-même le lui confirme. Et c’est une prouesse ! Mais il lui faudra du temps pour être prise au sérieux.
Si une personnalité est bien la quintessence de cette époque, c’est cette créatrice hors norme, son immense liberté de parole et de pensée, cette scandaleuse sans tabou qui ne s’interdit rien et refuse la médiocrité. On ne pouvait rendre plus bel hommage à Suzanne Valadon et l’auteur ne se contente pas de nous livrer sa vision de l’artiste, il nous raconte un état d’esprit où plus rien n’a d’importance quand on a le pouvoir de créer, non pas ce qui est mais ce qu’on croit deviner. En enquêtant sur la femme, il nous fait découvrir plus encore : parfois oubliée, écrasée par la renommée de son fils, elle est une survivante, une amoureuse des hommes, de l’art et de son cher Montmartre. Il donne aussi une folle envie de revoir ses toiles et d’y déceler toute son âme, à la fois sombre, sensuelle et assurément moderne.
Lisez ! · Minute Lecture - L'affranchie de Montmartre, Jean-Paul Delfino