Les enfants de la crique : Le livre de Rémi Baille

Bienvenue à Longo Maï, un écrin sauvage et brûlant, suspendu hors du temps. On l'imagine baigné de lumière, quelque part dans les calanques méditerranéennes, un été de canicule. Ici, tout est intensément vivant : les falaises, les eaux turquoise ourlées d'écume, les rochers chauffés à blanc, la pinède vibrante sous le chant hypnotique des cigales. On devine l'odeur résineuse des pins, la chaleur écrasante d'une sieste à l'ombre d'un cabanon, le tintement des verres qui scelle des amitiés indéfectibles. Un art de vivre unique. Pourtant, Nine, en quête d’indépendance, rêve d'ailleurs. Ce décor idyllique, elle le connaît par cœur et malgré la douceur troublante de ses premiers émois avec Coco, un jeune pêcheur, elle s’enfuit. Autour d'eux gravite une galerie de personnages pittoresques, authentiques et solaires. Cascade, tenancier de la buvette et grand ami de Coco ; la Douane, couple fusionnel de femmes qu'on ne peut dissocier tant elles ne forment qu'une seule et même âme, les gardiennes de la crique, les seules à avoir conscience de sa fragilité face aux effets du réchauffement climatique et de la dérive du tourisme de masse. Et elle avait bien raison, la Douane, car survient le drame qui va faire voler en éclat l’harmonie paisible de cette communauté. L'insouciance se dissipe, laissant place à la sidération et à la douleur. Dans ce roman, chaque page respire la poésie. L'écriture, d'abord aérienne et lumineuse, se densifie, devient fiévreuse au rythme de la catastrophe qui bouleverse la communauté. Les descriptions sont d'une intensité rare, nous plongeant dans une expérience sensorielle totale. Un petit bijou de papier, bouleversant, poétique et immersif.

À l’image de Tout ce qui manque de Florent Oiseau, sélectionné pour le Prix des Lecteurs Pocket, c’est une fois de plus la plume qui m’a fait attribuer une belle note, avec un véritable coup de cœur pour celle-ci. Les descriptions sont incroyables et m’ont offert beaucoup d’émotions, ainsi qu’une immersion quasi totale. J’ai adoré la mise en place. La plume fait tout : enivrante, poétique, elle dessine un véritable conte de cette vie dans la crique. À certains moments, j’étais complètement happée, fascinée par cette atmosphère, tandis qu’à d’autres, je décrochai un peu… Une expérience particulière ! Quelques incompréhensions, certes, mais une écriture si intense que on ne peut pas s’en aller… Bref, c’est comme une poésie qui nous embarque malgré tout pour savourer chaque instant dans la crique aux couleurs lumineuses !

Voilà un premier roman charmant et émouvant qui sent tellement bon le sud. La couverture est super jolie. Un roman d’apprentissage, une ode à la nature, à la Méditerranée.C’est l’histoire de Coco jeune pécheur qui a perdu son père récemment, de Nine qui attend ses 18 ans pour quitter la crique de « Longo Maï », ( locution provençale « longtemps encore » ) ce « #120007;#119890;#119995;#120010;#119892;#119890; é#120009;#119890;#120007;#120003;#119890;#120001; #119993;#119890; #120001;#119990; #120011;#119998;#119890; #120008;#119998;#120002;#120005;#120001;#119890;«. On ne sait pas où se situe ce coin de paradis. Il pourrait s’agir de la crique Méjean en région toulonnaise ? (L’auteur étant toulonnais) Vous rencontrerez des personnages très pittoresques : la Douane, Cascade… Et puis le drame .. Il est aussi question de premiers émois, indépendance, de deuil, de solidarité, d’écologie, de rumeur, dépression. L’écriture est originale, assez lyrique, riche en métaphores ; j’ai dû m’habituer à sa musicalité et à sa poésie. Et avec cette froidure, j’ai aimé entendre les cigales, sous le soleil ardent, respirer l’odeur des pins… Je vous invite à découvrir ce roman.

Nine, jeune fille de dix-huit ans, vit dans une crique, une de ces enclaves maritimes que l’on trouve dans les calanques entre Marseille et Cassis ou près de Toulon, avec son lot de cabanons aménagés, écrasés par un été torride. Nine se rapproche de Coco, un autre enfant de la crique, puis s’enfuit, sans raison apparente. Entre-temps un incendie met tout ce monde en émoi. Panique des touristes, résistance de la Douane (qui désigne étrangement un couple de femmes tellement unies qu’elles ne font qu’une). Finalement, avec l’aide des pompiers et de Coco, le feu est maîtrisé. Nine en profite pour rentrer de son petit périple. Mais à son retour, on l’accuse d’être à l’origine de l’incendie. Les esprits s’échauffent, on la diabolise. Même Coco ne sait que trop penser. Puis Nine est innocentée grâce à une pièce à conviction : une carte postale qu’elle avait envoyée lors de sa fugue, attestant qu’elle ne pouvait être à la fois à l’autre bout de la Côte et dans la crique en train d’allumer le feu. En définitive, il ne se passe pas grand-chose. Si d’un point de vue narratif tout le basculement de l’intrigue tient dans cette seule trouvaille de la carte-postale, le point d’orgue du roman réside dans la description de l’incendie, au cœur du livre. Rémi Baille réussit un coup de maître en éclatant lui-même sa prose : phrases elliptiques, verbes escamotés, le style claque comme un embrasement. La syntaxe se rabougrit comme un pin calciné, les mots sentent le roussi, à l’image du tableau de couverture joliment fauve de Julien Laporte. Les enfants de la crique aurait sans doute mérité d’être davantage étoffé, notamment dans l’expression des psychologies. Ces personnages sont des taiseux, mais trop de non-dits occulte leurs intentions cachées (pourquoi Nine s’en va-t-elle juste au moment où se noue son histoire avec Coco, sous la bénédiction de la Vierge ?) Sans doute tout ceci participe-t-il, comme la force du vent, des choses qu’on ne peut maîtriser, parce que poétiques et aléatoires comme le parcours d’un incendie. L’auteur nous laisse à nos supputations et les potentialités narratives restent à lire entre les lignes : « Cette histoire nous dit quelque chose des enfants : la nature ici tient sa force des choses que nous ne maîtrisons pas » (p.57).