J'ai mille ans... : Le livre de Jean-Marie Quéméner

Amal (« espoir ») est née dans une maison close aux murs roses, située dans un patelin perdu au nord du Soudan. Cette naissance a été un déclic pour sa mère qui a pris la décision de fuir sa prison et son pays pour l’Europe et la France, afin d’éviter à sa fille d’hériter un jour de la même vie. Pour nous raconter la fuite de cette maman et de son bébé vers la liberté, l’auteur a choisi de confier le rôle de narratrice à Amal, la nouvelle née. En lui faisant scander ces mots « J’ai mille ans » tout le long de sa narration, il m’a donné l’impression qu’il la chargeait de parler au nom de toutes les générations de femmes qui l’ont précédée sur cette terre d’Afrique, et l’émotion m’a cueillie . D’ailleurs armée de sa sagesse millénaire, ce bébé fille sait faire silence quand le moment est grave ou se met à crier quand le danger guette. Ses mots ont à la fois la légèreté de l’enfance et la maturité du vécu. Le style narratif est particulier et empreint de poésie. Les phrases sont courtes, mais les mots sonnent justes grâce à l’enchaînement de métaphores et figures de style qui donnent à l’ensemble relief et profondeur. L’auteur, ex correspondant de guerre et qui a vécu au Soudan, semble savoir de quoi il parle quand il décrit les dangers auxquels s’exposent tous ceux qui decident de fuir vers un ailleurs, quitte a y perdre leur propre vie. On mesure via la traversée du désert ou celle de la Méditerranée , la succession de pièges humains ou naturels qui peuvent faire obstacle à ces rêves et aspirations de liberté. Contrairement à tous ceux qui dans ce roman, exploitent la misère pour en faire commerce, j’ai été émue par le sort d’Amal et de sa maman, ainsi que par leur rencontre avec Assim, Soraya et Arafa. Un roman terriblement émouvant sur un sujet qui effraie, divise, et soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Le monde est-il en perte d’humanité ?