Et chaque fois, mourir un peu - Livre 2 Trauma(s) : Le livre de Karine Giebel

Le premier tome de cette duologie m'avait frappée. Ce second volet m'a percutée. Aucun temps mort entre les deux livres puisque le deuxième commence là où le premier s'est arrêté. Le duo de soignants est alors aux mains de ravisseurs afghans et devient un instrument de négociation du conflit armé. J'ai observé sa captivité avec le souffle coupé, ne perdant pas de vue que cette situation s'est produite et se produit encore pour trop d'otages dans la réalité. Cet événement est la goutte de trop. Celle qui fera vriller Grégory, infirmier pour le CICR - Comité International de la Croix-Rouge. Le livre prend alors une tournure que je n'attendais pas, bien qu'elle soit dans la logique des choses. Je pensais ne plus pouvoir être happée autant que par la première partie, c'était sans compter sur cette plume addictive et percutante. Grégory et Paul souffrent des conséquences d'années sur le terrain de catastrophes naturelles ou de guerres, au contact des pires mutilations, qu'elles soient visibles ou intimes. La santé mentale de ces soignants qui suivent leur vocation est au cœur du récit, ils paient le prix de leur engagement ainsi que leurs proches. Je n'oublierai jamais Grégory et Paul, devenus frères face à l'horreur. J'ai été très émue à plusieurs reprises par leur histoire qui me marquera pendant longtemps. Je garde précieusement ce livre pour le relire dans quelques années car je l'ai terminé avec un grand regret. Il est impossible de sortir indemne de cette lecture mais je m'en trouve incontestablement nourrie et pleine de gratitude envers ces héros en blouse blanche qui sillonnent les pires endroits du globe.

Cette suite de "Chaque fois mourir un peu" m’a plongé dans un tourbillon d’émotions, entre admiration, effroi et profonde tristesse. J’ai retrouvé Grégory, cet infirmier du CICR et son ami Paul chirurgien, là où je les avais laissés : en Afghanistan, captifs des talibans. Pendant des mois, ils subissent l’horreur absolue (tortures, faim, froid, incertitude). J’ai espéré, souffert, tremblé avec eux … Mais ce n’était que le début. Quand enfin Grégory revient en France, je pensais que l’apaisement viendrait. Quelle erreur ! Son retour marque le début d’un enfer bien plus insidieux : celui de la mémoire, des traumatismes qui rongent de l’intérieur, de la folie qui guette à chaque instant. Karine Giebel joue avec le temps et les souvenirs, me laissant parfois perdue. Jusqu’où un homme peut-il supporter la douleur avant de basculer ? À quel moment la peur et le chagrin deviennent-ils plus destructeurs que les violences physiques ? J’ai ressenti chaque frisson, chaque vertige, chaque coup de poignard que la vie inflige à Grégory. L’auteure maîtrise à la perfection l’art du thriller psychologique et, page après page, j’ai sombré avec lui dans cette descente aux enfers. Mais au milieu de cette obscurité, il y a aussi des éclats de lumière. L’amitié entre Grégory et Paul est d’une force incroyable, tout comme l’amour maternel et ces petits instants d’humanité qui empêchent de sombrer complètement. Encore une fois, ce roman m’a marqué profondément. Il n’est pas juste un thriller : c’est un hommage bouleversant aux humanitaires, aux survivants, à ceux qui bravent l’horreur et qui, malgré tout, continuent d’aimer et de se battre. La plume de Karine Giebel est brute, percutante, inoubliable. Trauma(s) n’est pas un livre dont on sort indemne. Il reste en moi, comme une empreinte indélébile.

Second tome. On retrouve Grégory, infirmier humanitaire. Les conflits ont laissé des traces dans sa psyché, les deuils aussi. On reconnait les thèmes chers à Giebel, l'enfermement, la folie, la passion. Si je n'avais pas emprunté les deux tomes en même temps, je ne suis pas sûre que j'aurais ouvert celui-ci. Et comme dans le premier, des longueurs, des situations et des personnages peu crédibles. Il faut dépasser le tiers du livre pour que ça décolle et que ce bouquin offre enfin un quelconque intérêt. Bref, 1300 pages en tout, qui se lisent vite, mais qui auraient pu être réduites des deux-tiers. Si vous voulez vous lancer, zappez le premier tome, lisez juste un résumé. Vraiment pas le meilleur de Karine Giebel.

C’est la suite immédiate du livre 1, Grégory et Paul sont prisonniers des Taliban depuis octobre 2010. Ils sont entre les mains de geôliers tortionnaires, leur horrible détention est détaillée, pour Gregory elle va durer trois mois : le froid, la faim, perte de la notion de temps, simulacre d’exécution, solitude, peur, inaction. Grégory réussit à s’évader. En France il retrouve la liberté sans pouvoir en profiter pleinement car son ami Paul est encore détenu. Il ressent le besoin de s’enfermer, seul, dans le noir d’une cave. Le rythme narratif de Karine Giebel va alors s’accélérer. Philippines, 2012. Soudan, 2014. Irak, 2016. Cisjordanie, 2018. Madagascar, 2019. 2020, la Covid, en France. Haut-Karabakh. Ukraine, 2022. Vente d’êtres humains. Boucliers humains. Attentats. Viol-esclavage sexuel comme arme de guerre. « Bienvenu en enfer » . Les chapitres sont de plus en plus courts. Les mêmes phrases reviennent sans cesse. Les missions de Gregory, les séjours en France sont comme des flash. Des flash de souffrance, lors de missions traumatisantes mais dès qu’il est chez lui de nouveaux malheurs s’acharnent incroyablement sur sa famille. La chronologie ne semble plus respectée. Retour en février 2011. Karine Giebel abandonne l’aspect historique et les missions du CICR qui constituaient le fil conducteur du livre 1 pour consacrer son récit à la psychiatrie. Gregory a été interné dans une Unité pour Malades Difficiles ( UMD ) en novembre 2011. Tout s’écroule pour lui. « Mémoire morcelée. Puzzle » . « Son cerveau baigne dans une eau tiède et sale » . Isolement. Lit avec sangles. Hallucinations. Violence. Contention. Neuroleptiques, antipsychotiques, anxiolytiques. « Mon cœur a continué de battre, mon sang de couler dans mes veines. Mais la mort était en moi. Jour après jour, le blast a poursuivi son travail de destruction. Une bombe est tombée sur ma vie ». Paul reste dans les pensées de Grégory qui se souvient de bribes du passé, il imagine des portions de futur. Son présent est un monde parallèle. Il n’y a plus de vrai, plus de faux. Le lecteur subit également cette confusion. Karine Giebel consacre 400 pages ( sur un total de 750 ) aux troubles du stress aigu post-traumatique subis par Grégory et dans une moindre mesure aux maux dont souffrent d’autres malades que Gregory côtoie. Le lecteur prend conscience d’une médecine psychiatrique impuissante, sous-équipée malgré l’existence des UMD. Ce roman psychologique est très bien documenté, éprouvant à lire. Le savoir écrire de l’auteure fait le reste pour maintenir le suspense, surprendre et bouleverser le lecteur. Karine GIEBEL – Et chaque fois, mourir un peu . Livre 2 – Trauma(s) . Parution octobre 2024, Éditions Récamier Noir . ISBN 9782385771362 . Présentation éditeur : Avec Trauma(s), Karine Giebel met un point final à son roman Et chaque fois, mourir un peu. Après des années sur le front sans arme ni gilet pare-balle, après des années à soigner les autres au péril de sa vie sous l'égide de la croix rouge internationale, après avoir pris de plus en plus de risques jusqu'au risque de trop, une autre guerre attend Grégory. Lors d'une dernière mission en Afghanistan les rôles s'inversent : les humanitaires deviennent des cibles. Après tous les combats qu'il a menés, Grégory va devoir sauver sa propre vie et celle de ses collègues… Tu te souviens de ces victimes qui avaient survécu aux explosions. Leur corps était parfois intact. Pourtant, on ne pouvait pas les sauver. Parce qu’à l’intérieur, elles étaient déchiquetées. Une bombe est tombée sur ma vie. Longtemps, je me suis posé cette question : ai-je survécu à l’explosion ? Aujourd’hui, j’ai trouvé la réponse …