Là où les lumières se perdent : Le livre de David Joy

Whaouch ! Quelle claque ! Une tragédie grecque moderne, dans la face cachée de l'Amérique, je crois que je m'en souviendrai longtemps. Que faire de sa conscience quand on est condamné à rester dans un entourage sans foi ni loi ? Y a-t-il une vraie porte de sortie quand on est aussi profondément empêtré dans son héritage filial ? Avons-nous besoin d'aller aussi loin pour trouver une telle misère existentielle ? Il faudra que je me souvienne de tout cela la prochaine fois que j'entendrai parler de violences dans les banlieues …

Une belle découverte que cet auteur. Curieusement j'ai eu un peu de mal à entrer dans ce récit que j'ai ensuite dévoré. Magnifique portrait de Jacob, de son embourbement, de ses tentatives pour se libérer de l'empreinte d'un père détestable mais dont hérite, forcément, quelque chose...

Premier roman publié et traduit de David Joy, un écrivain des Appalaches, région de ruralité et d'isolement, superbement traitée par Ron Rash qu'il reconnait être son mentor. Comment survivre à l'emprise toxique d'un père criminel alors qu'on est un jeune homme aspirant à une vie normale? Par l'amour évidemment, si ce n'est celui de sa mère, celui de la voisine avec qui il partagea son enfance. On ne peut s'empêcher de se demander la part d'autobiographie dans ce roman triste et beau.

Dans une petite ville de Caroline du Nord, aux pieds des Appalaches, Jacob tente par tous les moyens de vivre, de survivre. Fils du baron de la drogue local, un homme violent, impétueux et froid, il cherche à se fondre dans le décor. Il n’aime ni son nom, ni l’avenir qu’il lui réserve… Mais il a conscience qu’il va devoir faire avec. La seule lumière dans ses ténèbres est Maggie, qu’il aime depuis toujours, et qui le lui rend bien. C’est pour elle que Jacob veut se battre, s’écarter du chemin que lui dessine son père et enfin prendre ses responsabilités… Là où les lumières se perdent est le premier roman de David Joy, le premier que je lis, le premier que je dévore et le premier qui m’a bouleversée. C’est une histoire noire, triste, émouvante, celle d’un fils perdu dans une famille dysfonctionnelle, où la seule certitude est celle qu’il n’y en aura jamais. Jacob est une jeune homme touchant, qui ne sait pas où est sa place mais qui est pourtant certain que ce n’est pas celle que veut lui assigner son père. Il n’a pas sa violence, sa haine, sa noirceur. Il n’a pas ce cœur froid qui caractérise cet homme hors de contrôle. Mais Jacob sait que son nom le poursuit et qu’il lui sera difficile d’en échapper. L’écriture de David Joy est belle, fluide, sensorielle. Elle nous entraine dans un univers étouffant, suffocant, oppressant, où l’espoir d’une vie meilleure semble bien éloigné et inatteignable. Là où les lumières se perdent est un roman sur cette Amérique où tout est possible, le bon comme le mauvais. Ces terres immenses, où la liberté n’est parfois que de façade, où les hommes sont confrontés aux choix difficiles du sens qu’ils veulent donner à leur vie.