L'éclipse : Le livre de Sarah Bussy

Lors d’une balade en forêt avec son compagnon et sa fille âgée d’un an, Camille s’imagine disparaître. Alors qu’ils marchent en tête, les pas de son compagnon berçant leur enfant, Camille cède à cette pulsion, se cache et disparaît en pleine nature. Elle prend des bus, puis des ferries, traverse des frontières à l’aveugle, sa seule obsession étant de rejoindre le Nord, dans ces grands espaces blancs et volcaniques. Elle vide ses comptes, supprime son adresse mail et disparaît, tout simplement. Elle habite quelques jours à l’hôtel avant de s’installer dans une petite maison au bord d’un lac. Là-bas, Camille renaît, rencontre des gens, refait sa vie. L’éclipse traite, sans aucun jugement, du regret maternel, des envies de liberté et de la renaissance dans la nature loin de ses proches. L’écriture est juste, poétique, parfois contemplative. Un vrai coup de cœur !

« On ne change pas de substance sans conséquence, sans dégâts collatéraux. On ne disparaît pas de façon réversible ». Camille s’est éclipsée un jour de promenade au cœur de la forêt, laissant là son compagnon et sa fille. Une fuite. Une disparition pour la nécessité d’autre chose. La quête d’un renouveau. Elle part rejoindre le Grand Nord. Une échappée pour se faire oublier et oublier, mais quoi et pourquoi ? C’est la question que je me suis posée dès le début ; à l’affût d’indice dans les allusions et l’écriture évocatrice ; or là n’est pas le sujet. Il est plutôt question d’évasion et de reconstruction, dans un pays de glace et de feu, au fil d’amitiés, d’amour, de métier exercé. « Il raconte : dans certaines mythologies nordiques, les aurores boréales sont le reflet du Bifröst, le pont arc-en-ciel brûlant qui relie le royaume de dieux à la Terre. » J’ai ressenti le personnage de Camille comme entravé par des conflits intérieurs et pourtant détaché parfois de ses émotions, de fait, j’ai eu du mal à ressentir de l’empathie. Il y a comme une sensation d’insatisfaction chez elle, une fuite perpétuelle et la nécessité d’un retour au cœur même des choses par le biais de la nature environnante. Camille va de découvertes en surprise et trouve à se réinventer. Là où se déroule l’histoire, tout appelle à l’oubli ; de plus, le vocabulaire en lien avec l’éclipse est constant : vaporisé, dissous, évaporé, estompé, transformé etc. Le style d’écriture est magnifique, il m’a plu même si concernant l’histoire j’ai eu beaucoup de mal à comprendre la mère derrière la femme, m’entêtant à chercher ses raisons. « Certaines questions n’existent que pour faire entendre le silence qu’elles déposent. » Dans une belle prose poétique, l’autrice décrit des paysages d’une pure beauté ; la forêt, le lac, le volcan, le blanc et le froid polaire enveloppent l’histoire, absorbent les pensées de la jeune femme et imprègnent l’atmosphère de solitude et de silence – une ambiance cotonneuse. Impermanence de l’humain. Sublime beauté de notre planète et sa nature imprévisible. Ecologisme. [masquer] Cuisine et gastronomie. [/masquer] Un roman découvert avec le Club de lecture de ma librairie.

Une éclipse, c’est « la disparition temporaire d’un astre dans l’ombre ou la pénombre d’un autre », nous dit le Larousse. Pourquoi Camille disparait un jour lors d’une balade familiale en forêt, abandonnant son bébé Rose et son mari ? On ne peut que l’imaginer car ce n’est pas du tout le propos. Dans ce roman, c’est le parcours de Camille qui intéresse l’autrice, le chemin qu’elle emprunte au sens propre et figuré pour se (re)construire. Et c’est au Nord de la planète, dans un pays lointain qui n’est pas révélé mais qu’on devine être l’Islande, que Camille va se ressourcer isolée au cœur d’une nature sauvage et rude où elle va (re)prendre (sa) vie au pied d’un volcan. Une femme qui abandonne son enfant est folle, droguée ou perdue, pourtant ici on ne juge pas. Camille est un personnage de roman auquel on s’attache. Evidemment au début de l’histoire on a une pensée pour Rose et son papa, on imagine toutes les émotions par lesquelles passe la famille, on réfléchit à la gestion de ce genre de crise et puis on accompagne Camille une johatsu française dans son évaporation d’abord puis pas à pas dans sa reconstruction. Et puis qui n’a jamais pensé à disparaitre un jour ? Un roman à lire !

En quelques phrases, dès le début du livre on est embarqué dans la décision d’une femme qui va bouleverser toute sa vie. Il s’agit ici du plus grand des tabous, l’abandon d’une enfant par sa mère . Je ne dévoile rien c’est le début de l’histoire . Une décision qui semble prise sur un coup de tête, lors d’une promenade en forêt . Mais ce qui aurait pu n’être qu’un jeu de cache cache, une simple escapade devient un road movie jusqu’aux confins de la terre pour se retrouver, trouver sa place dans le monde. Ce texte remarquablement écrit, ne s’attarde pas sur les raisons de cet acte fondateur mais au contraire sur le chemin à parcourir. Ce n’est que vers la fin du livre que l’on finira par comprendre , par voir se dessiner les raisons de cette fuite . Tout est évoqué avec délicatesse. Les descriptions des paysages islandais sont à couper le souffle, les sentiments sont esquissés avec beaucoup de pudeur . Beaucoup de choses se perçoivent en creux de l’écriture . Je me suis laissée porter avec un immense plaisir et avec beaucoup de tendresse pour cette femme .