Sommeil de cendres : Le livre de Xavier Boissel

Début des années 70, l'inspecteur Eperlan de la PJ fait une découverte macabre sur l'échangeur de Bagnolet à Paris. Un homme est retrouvé mort et il a été torturé. Dans le même temps, une jeune femme, Alexia Zorn, parvient à se dépêtrer d'un guet-apens dans son appartement des Buttes Chaumont dans lequel deux hommes débarquent. Elle parvient à fuir sans trop savoir où et finit par atterrir dans les Cévennes avec son arme et un sac rempli d'argent. Et si Müll un troisième personnage que l'on découvre dans les premiers chapitres et qui semble être une raclure de premier ordre, était lié à ces deux évènements ? le décor est planté avec ces trois personnalités ambivalentes que l'on va suivre dans ce roman noir prenant, qui dose parfaitement magouilles, liens avec la politique de l'époque et scènes d'action. On navigue avec beaucoup de plaisir dans cette lecture qui renoue avec pas mal de codes du roman noir sans les reproduire à l'identique. L'auteur oscille entre poésie et dérision comme lorsqu'il décide de commencer le bouquin par une description des conditions métrologiques avec une tempête (un joli clin d'oeil à Elmore Léonard qui prône dans ses règles d'écriture de ne jamais commencer un roman par le temps qu'il fait). On découvre des personnages complexes au fil de l'intrigue. Un inspecteur Eperlan, ancien de la guerre de Corée et qui ne donne plus beaucoup de sens à la vie à part dans son travail. Une femme aux multiples surnoms qui fuit et qui a du mal à oublier son compagnon qu'elle a perdu pendant la guerre des Six Jours en Israël. On se doute que les personnages vont se croiser, on se doute que ça ne va pas finir dans le calme et l'harmonie et pourtant on se laisse porter en replongeant dans une période du pays sombre à plus d'un titre. Je découvre Xavier Boissel avec "Sommeil de cendres" et ça faisait un moment que je n'avais pas lu un roman noir travaillé comme ça, avec ce truc efficace dans les scènes où ça canarde, avec ces petites répliques qui sonnent ou encore avec ces clins d'oeil à d'autres oeuvres qu'elles soient livresques ou musicales. Un régal vraiment, je suis très curieux de lire "Avant l'aube" ou "Fonds noirs" sorti plus récemment. extrait : "Éperlan était, depuis ses années de formation, convaincu que tout, dans une histoire de crime, était affaire de perception et non de méthode. Être flic, c'était comme retourner son regard sur un événement aveugle : ce n'était qu'après coup que l'on pouvait avoir la certitude d'avoir vécu et, donc, d'avoir perçu."