Vivre avec une étoile : Le livre de Jiri Weil
Josef Roubícek, modeste employé de banque praguois, aime les randonnées, la musique, et mène une vie paisible lorsque arrive l'occupant nazi. Les mois passent, l'homme sait que, comme ses congénères juifs, il va être privé de liberté, convoqué et déporté vers l'est.
Commence alors l'attente infernale. Cousue sur sa veste juste au-dessus du cœur, comme le veulent les règles en vigueur, une étoile jaune fait de Josef un étranger dans sa propre ville. Peu à peu, son champ des possibles se restreint. Contraint de rôder aux abords de Prague, d'errer dans les cimetières et de se calfeutrer dans une mansarde avec pour seule compagnie un chat, il s'accroche pour survivre aux choses de la vie –; un oignon, un livre, un amour perdu.
Admiré notamment par Harold Pinter, Arthur Miller et Philip Roth, ce texte magistral de Jiri Weil, né dans la rage et les larmes, est l'un des plus grands romans jamais écrits sur la Shoah.
De (auteur) : Jiri Weil
Préface de : Philip Roth
Traduit par : Xavier Galmiche
Expérience de lecture
Avis Babelio
Tigerlilit
• Il y a 4 semaines
Loin des grands récits héroïques, Vivre avec une étoile raconte la survie dans l’ombre, entre petits riens et absurdités du quotidien. On pourrait croire que ça va être plombant, mais Weil glisse un humour fin et une douceur inattendue dans tout ce gris. Un chat, une femme aimée, un peu de lumière dans l’horreur…
jemelire
• Il y a 1 mois
Vivre avec une étoile. Jiri Weil Ce livre est l'histoire d'un éveil. Josef Roubicek, ancien employé de banque, a été réduit à un état d'indigence extrême. Il vit dans une maison, une bicoque sans eau courante où il s'est installé, et dont il a brûlé dans son petit poêle tous les meubles, pour se chauffer. le reste, il l'a détruit, pour ne rien avoir à « Leur » donner, afin qu'il ne reste rien quand « Ils » viendraient lui régler son compte. Cet unique sursaut de révolte, qui vient des tripes, profond et définitif, lui permet de survivre tout juste. Car la vie continue, avec ses petites victoires quotidiennes. Il se réjouitquand il peut acheter chez le boucher du sang, ou un os sur lequel il reste quelques lambeaux de viande, quand il peut lire quelques lignes, couché dans son sac de couchage sur son matelas à même le sol. La vie continue, avec la peur vissée au corps et à l'âme, qui lui donne parfois envie de hurler d'horreur. Alors, il trouve refuge dans le sommeil, pour oublier un temps ce qui attend « les gens de son espèce ». Il vit seul, à mi chemin entre rêve et réalité, dans le souvenir d'une femme qu'il a aimée, avec laquelle il converse pour ne pas devenir fou. Le premier chapitre, en quelques mots, en quelques phrases nous plonge profondément dans la vie et l'univers mental de Josef. Un monde qui s'est rétracté, qui a perdu ses couleurs, sa chaleur, son sens. Josef sait qu'il ne s'est pas enfui quand il aurait pu le faire, par peur de l'inconnu, et maintenant, tout ce qu'il lui reste à faire, c'est continuer à vivre, obstinément, dans un milieu qui devient plus hostile de jour en jour. Alors, ce livre est facile à lire. Les phrases s'enchaînent, le récit de Joseph se déroule. Il se considère comme quelqu'un de très ordinaire, sans qualité particulière et nous emmène à sa suite, de la ville à son refuge, de son refuge à la ville. Nous sommes dans ses pensées, presque toutes liées à la survie physique, et dans ses rêves et divagations qui éloignent pour un temps les tourments. Et pas facile… Pour quelqu'un qui éprouve un peu d'empathie, le texte reste sur l'estomac. Il faut faire des pauses pour seulement supporter la description de l'insupportable, dans cette ville qui n'est pas nommée, à une époque indéterminée, sous le joug d'un envahisseur sans nom mais bien reconnaissable. La force de ce texte est de donner à voir et ressentir, l'air de rien, à travers les yeux de Joseph, courant d'un bout à l'autre de la ville, l'iniquité du sort réservé à la partie de la population qui devra porter l'étoile. L'absurdité des lois toujours plus nombreuses visant à réduire les droits des uns, le pillage systématique de toutes leurs possessions, la division du peuple, les uns profitant de la déchéance des autres, voyant sans vouloir voir l'extermination en cours. Josef, dans son malheur, bénéficie de quelques coups de pouce du destin : son travail au cimetière lui permet, dans un contexte sinistre, de vivre au grand air, de se tenir au chaud et de conserver des liens humains. Puis, lors de sa convocation pour partir « dans l'est », il est oublié, ce qui lui donne dans l'attente de la prochaine, un temps de vie supplémentaire, « une réserve de jours ». Josef Roubicek, est un homme simple, qui a eu trop peur de partir, de quitter le connu. Son éveil sera progressif et viendra en plusieurs temps. Tout d'abord, sidéré comme beaucoup d'autres, il est incapable de penser par lui-même, encore moins se rebeller, sinon par le sursaut qui lui vient des tripes, qui consiste à se défaire de toute possession. Certains de ses proches ont trop cru en l'argent, compris trop tard « qu'on est l'esclave des choses », et qu'il ne leur reste plus qu'à devenir des numéros. A force de voir ce qui se passe, humiliations, spoliations, destruction, il commence à comprendre. Par son travail, il est en confrontation permanente avec la mort. Les convois se succèdent, les gens disparaissent, certains se suicident, et bientôt il n'y aura plus personne à enterrer. Alors, il est bon de voir les plantes pousser, de s'émerveiller de la nature, de se réchauffer aux rayons du soleil, de se sentir libre dans l'instant. Mais l'idée se fraie un chemin en lui : certains s'en sortiront. Pourquoi pas lui? « Je me suis aperçu que je devais en fait vivre ma propre vie. Ça m'a pour ainsi dire réveillé ». Il assiste à un concert à l'hospice des tuberculeux, et là, il oublie tout. « Je savais que la joie allait venir, je savais qu'elle était là, silencieuse, que maintenant il n'était plus possible de l'anéantir avec des cris et des claquements de fouets. » Sa décision est prise : « Je ne veux pas partir ». Il a rencontré Materna, un ouvrier qui l'a invité à passer chez lui. Ses rencontres avec lui sont autant de jalons dans son évolution de conscience. Il a souvent trouvé refuge chez lui, pour un repas chaud, près de ses compagnons qui parlent de la guerre. Chez Materna, c'est l'occasion d'entendre un autre discours. A partir du moment où il envisage la fuite, se pose la question de savoir si son absence sur les listes entraînera la mort d'un autre. Il prend alors conscience qu'il devra vivre avec la culpabilité. Cependant, vient un jour où, ayant déjà « fait un pas hors du rang » et compris qu'il ne pourrait plus revenir en arrière, il apprend par les hauts-parleurs dans la rue que son amie a été fusillée, puis c'est son chat, qu'un officier a tiré « comme un lapin », pour rien. Désespoir infini. Mais maintenant que sa propre vie n'a plus aucune valeur pour lui, il n'est plus à « Leur « merci. Il n'a plus peur. Chez Materna, il participe maintenant aux discussions, il s'informe. Il est revenu parmi les hommes. Et au moment où il doit choisir entre la tentation de partir avec les autres, « d'accepter d'être annihilé sans peur ni honte », et celle de se cacher, il repousse la tentation et franchit le pas vers la liberté et la vie. Je ne sais pas si ce livre est un livre culte, mais un tour de force, certainement. Dans une ambiance qui rappelle Kafka, une atmosphère hallucinatoire et fantomatique, Jiri Weil réussit à mettre en scène par le monologue de Josef l'extermination d'un peuple et l'anéantissement d'une nation, soumission par la peur, perte de repères moraux, et en même temps, le cheminement, la transmutation d'un homme qui ayant tout brûlé, au propre comme au figuré, a dépassé ses peurs et est devenu un autre homme. C'est à la deuxième lecture que j'ai pu encore mieux apprécier ce très beau texte, si dense, si fort qu'on serait tenté à chaque instant de le mettre en citations. Il n'est pas étonnant qu'il ait, dès sa parution en Tchécoslovaquie, été retiré des librairies... Un grand merci aux Editions Denoël d'avoir réédité ce livre qui avait été longtemps introuvable, merci aux Editions 10/18 et à Babelio pour cette Masse Critique dont je me souviendrai longtemps.
cecilelea
• Il y a 1 mois
Magnifique et bouleversant. Dans ce texte de Jiri Weil, nous suivons Josef Roubicek, un employé de banque praguois, également juif. Rapidement, il voit ses libertés peu à peu rognées par des décrets qui lui interdissent tantôt de prendre le tram, tantôt d’aller au restaurant, tantôt d’avoir un animal de compagnie, etc. Petit à petit, Josef, comme tous les autres juifs, a de moins en moins de droits, et sa vie ne ressemble plus à une vie humaine tant elle perd de son sens et sa substance. Cette déshumanisation des juifs par les nazis sans même parler de déportation et de camps est très bien décrite ici. On suit le basculement de la vie de Josef qui perd tout ce qui faisait de sa vie une vie humaine avant l’arrivée des nazis, par ailleurs jamais nommés dans le texte mais uniquement désignés par le pronom “Ils”, comme si Jiri Weil voulait les déshumaniser ou les désincarner à leur tour. La progression dans le récit est bouleversante : on voit d’abord Josef perdre toutes ses libertés… Puis commence l’attente. L’attente de la convocation, l’attente de la mort. Enfin, Josef découvre la solidarité via des personnes comme Materna qui propose de le cacher pour lui éviter le “convoi”. Josef refuse initialement en bloc cette idée, gêné par les risques que prendraient ces personnes qui l’aideraient, avant d’y réfléchir plus longuement. Le style est limpide, détaché, puissant, la charge émotionnelle énorme. A lire absolument!
Etsionbouquinait
• Il y a 2 mois
Figure importante de la littérature tchèque du XXème siècle, Ji#345;í Weil est un auteur d’origine juive dont l’oeuvre reste très marquée par le destin des Juifs durant la Seconde Guerre Mondiale. Ses deux ouvrages les plus connus ont fait l’objet de réédition en français : tout d’abord Mendelssohn est sur le toit, puis Vivre avec une étoile, l’histoire de Josef Roubí#269;ek, modeste employé de banque dont le quotidien se rétrécit au fur et à mesure que l’étau se resserre autour des Juifs de Prague. Josef Roubí#269;ek est le narrateur principal du récit rédigé à la première personne qui se rapproche d’une longue introspection dans laquelle il évoque son quotidien, réduit à peau de chagrin : il n’a plus qu’un sac de couchage et un poêle qui ne fonctionne plus très bien dans son appartement exposé aux fuites d’eau. Si le premier échange du livre s’adresse à son amante, R#367;žena, on se rend vite compte qu’elle n’est plus avec lui : Roubí#269;ek n’a pas eu le courage de fuir et de partir avec elle. Il continue à s’adresser à elle, sa seule confidente, ainsi que bientôt à Thomas, le chat qui a élu domicile chez lui. Ce sont les deux seuls repères d’une existence d’un homme acculé, qui ne peut plus déambuler où il le souhaite, qui se voit bientôt obligé de porter l’étoile et qui attendra ensuite la convocation pour le convoi. Ce livre a une tonalité particulière car, même si l’on sait qu’il se passe à Prague sous le protectorat et que les nazis envoient les Juifs à Terezin (appelé ici « la ville fortifiée »), nulle part n’est mentionné le mot « nazis », mais plutôt « Eux », « Ils » et il n’existe pas d’autre repère temporel que les saisons qui passent. De même, s’il relève de l’introspection et reste relativement sobre dans l’évocation de la Shoah, les scènes décrites ne laissent pas de doutes sur ce qui se passe ; la scène où un meunier doit transporter dans une charrette des jeux d’enfants collectés en est un exemple frappant. Il montre très bien le rétrécissement de la vie des Juifs (on leur interdit d’aller se baigner, de prendre les transports, d’avoir un animal, de passer dans certaines rues…), qui en viennent à attendre comme une fatalité leur convocation. Travaillant pour le compte du conseil de la Communauté, Roubí#269;ek, notamment grâce à sa rencontre avec l’ouvrier Materna qui lui propose de le cacher, va peu à peu prendre conscience du sort destiné aux Juifs et de la nécessité d’agir enfin… Comme Mendelssohn est sur le toit, Vivre avec une étoile est un très beau texte, profond, sombre, non exempt d’ironie, sachant montrer l’absurdité d’une époque et suscitant la réflexion, le questionnement.
Avis des membres
Fiche technique du livre
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- Genres
- Romans , Roman Étranger
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- EAN
- 9782264086129
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- Collection ou Série
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- Format
- Poche
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- Nombre de pages
- 312
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- Dimensions
- 179 x 109 mm
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9,20 € Poche 312 pages