Les détails : Le livre de Ia Genberg

J'ai beaucoup aimé la plume de Ia Genberg que je ne connaissais pas. Une jeune femme nous raconte son histoire personnelle, avec 4 personnes en particulier. Nous suivons donc ses pensées, nous entrons dans son intimité, et revivons avec elle tous ces détails qui font le sel de la vie. J'ai été transportée dans les années 90, en Suède, et ce voyage m'a plutôt conquise malgré quelques moments où je commençais à décrocher un peu. Le livre est court mais l'écriture est dense. Merci aux éditions Le bruit du monde et à Babélio pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une masse critique !

Traduit du suédois par Anna Postel, le livre de Ia Genberg fait partie de la sélection du Prix Harper Collins Poche 2025, catégorie littérature. C'est le deuxième roman de littérature suédoise de la sélection, mais dans un genre totalement différent puisqu'il s'agit ici d'un récit intimiste et initiatique. À l'origine, il a été publié aux Éditions Le bruit du monde. La narratrice brosse ici les portraits - pas forcément très élogieux, mais néanmoins affectueux - de certaines personnes qui ont fait partie de sa vie : des amis, des amours, des parents… Ils sont en tout 4 personnes à avoir laissé leurs "traces" dans sa vie actuelle, des "détails" qui ne sont pas sans incidence sur ce qu'elle est devenue. À la faveur d'une fièvre carabinée, elle se souvient et nous plonge dans leur histoire (qui est aussi la sienne) quasiment dans un souffle. Son écriture nostalgique se fait impatiente, comme s'il fallait expurger les souvenirs pour guérir l'agitation qui la traverse. Chaque chapitre semble écrit d'une traite, sans pause. Le premier détail à avoir survécu au temps est un livre : La trilogie new-yorkaise de Paul Auster qu'elle a trimballé toute sa vie. "Certains livres vous restent dans la moelle après que les détails et les noms ont disparu (…)" Le livre est écorné, il a "vécu" lui aussi, elle y trouve une note écrite. Il est le symbole de ce qu'elle a été, de cet amour qui la liait à Johanna qui lui avait offert ce livre et qui l'encourageait à écrire. À chaque personne qu'elle évoque, on peut ainsi relier un objet et plus… Ces détails agissent sur la narratrice comme des talismans qui la ramènent à tout ce qu'elle a vécu avant le passage du millénaire (avoir 20 ans dans les années 90). Que reste-t-il de ce qui a tant compté à un instant donné ? Que reste-t-il à en écrire ? Ia Genberg semble nous dire : il faut continuer de creuser son sillon avec cette somme de rencontres et d'expériences passées, elles feront toujours partie de nous et nourrissent ce que nous devenons. Les détails a reçu le prix August en 2022, prestigieux prix de littérature suédoise.

J'ai adoré ce livre. C'était d'une finesse incroyable. J'en ai autant aimé l'écriture, que l'histoire, ou plutôt les histoires. Parce qu'ici, la narratrice nous raconte 4 personnages qui sont passés dans sa vie et qui y ont laissé une trace. Le livre porte parfaitement son nom. Les détails. Il renvoi à toute sorte de détails. Ceux qui sont chamboulés lorsqu'une personne entre dans notre vie, ceux qu'elle change discrètement ou plus frontale ment, et ceux qui reste une fois la personne partie. J'aime ce questionnement, le fait de se dire que chaque personne qu'on ne croise qu'une fois ou qu'on laisse entrer dans notre quotidien, sont comme les pièces du puzzle de nos vies. Ia Genberg m'a embarqué avec elle, j'étais à son chevet, fiévreuse avec elle, me remémorant tous ces détails avec elle. C'est une écriture très poétique, très dense, avec peu de pauses, pour encore plus d'immersion dans sa vie.

Les détails, ceux qui forment des souvenirs, micro-présents en nous ou qui nous habitent , tous ces éclats de vécus, de perceptions, d'émotions qui forgent ce qu'est notre vie . Tous ces détails auxquels on ne prête pas toujours attention sur le moment mais qui malgré cela s'insinuent en nous , pour former ce " tout" que sont les souvenirs, couplés à une certaine mélancolie, qu'ils soient heureux, dérangeants ou tristes. Ce récit comme initiatique nous montre que l'esprit, le cœur, n'oublient rien , mais que ces détails sont la plupart du temps noyés dans notre quotidien frénétique, et qu'ils sont mis au rebut , le temps de pouvoir émerger à nouveau et méditer dessus . Vous remarquerez que cette limpidité d'esprit qui nous fait méditer, réfléchir sur tout, mettant à nu nos pensées les plus profondes, ne s'obtient souvent que la nuit , dans l'opacité et les profondeurs du silence . Plus de grésillements incessants sur la ligne des pensées. Alors, les détails peuvent être convoqués et nous parler. Ici , c'est la maladie et sa fièvre, l'alitement obligé et forçant le repos du corps, qui va faire émerger tous ces détails chez l'autrice. Car elle n'a plus que cela à faire, de penser . Elle va nous parler de 4 personnes qui ont marqué sa vie d'une manière ou d'une autre . C'est comme un court livre de " mémoires ", qui invite la mémoire emplie de clarté de l'autrice. Le corps souffre mais les souvenirs sont limpides, en opposition avec le flou de son état physique . Je ne mettrai pas 5 étoiles car il s'agit ici de ce qui semble être un récit uniquement empreint du réel de celle qui l'a écrit, même pas autofictif , et qu'à moins d'un sujet percutant , qui me choque ou me happe par l'action, le style rythmé etc, je peux vite m'ennuyer. Cela reste mon ressenti subjectif et m'appartient . Il est nécessaire que vous vous fassiez votre propre avis car l'écriture demeure très qualitative avec des pensées couchées sur papier qui se méditent.