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Le Paradoxe du rire : peut-on rire de tout sans blesser personne ?
Publié le 05/03/2024 , par Lisez
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Rire est bon pour la santé, les scientifiques l’ont même prouvé. Alors, rions, de tout et de rien, ne nous retenons pas, ne nous privons pas de cette légère euphorie. La philosophe Olivia Gazalé s’est interrogée : d’où vient le rire, quel fut son effet sur les sociétés d’hier, et aujourd’hui, qu’en est-il ?
Et si Rabelais s’était trompé ? « Le rire est le propre de l’homme » est une formule célèbre, on nous l’a répétée et nous l’avons prise pour argent comptant. Hélas, rien n’est moins vrai. Les chimpanzés, les bonobos, les orangs-outans, eux aussi, s’esclaffent. Mais aussi les rats ! La supériorité de l’espèce humaine en prend un sacré coup ! Le rire existe depuis la nuit des temps, il surgit, soudain, devant une incongruité, lorsqu’on est étonné, nous prend le plus souvent par surprise. Dans cet essai extrêmement documenté, Olivia Gazalé revient sur ses origines et sur son pouvoir, immense, capable d’exorciser l’angoisse, de se défendre des attaques, de chasser la souffrance, la peur, et bien sûr la mort. Souvenons-nous de cette drôle de période que fut le confinement. Les messages reçus ou envoyés à nos proches étaient pleins de ces blagues, parfois douteuses, le moyen le plus salvateur de combattre notre désarroi.
Platon, Aristote, Spinoza, Kant, Schopenhauer ou encore Bergson, se sont tous intéressés à cet étrange « réflexe », car c’en est un, aux mille pouvoirs.
La philosophe revient sur ces multiples formes, son évolution, son incidence sur la vie des hommes. Et on comprendra que tout n’est pas si drôle. Mais, se demande-t-elle comme beaucoup d’entre nous : peut-on rire de tout ? L’humour est universel, il ne sert pas seulement à se détendre mais aussi à fustiger, à accuser et à dominer. Le rire xénophobe permet sans complexe de nous moquer des étrangers et de nous sentir tellement plus Français. Le rire misogyne, le rire homophobe ne sont pas tellement plus glorieux. Ne croyons pas que le XXIe siècle est plus tolérant, plus évolué que les autres. Il suffit d’allumer sa télévision, de parcourir les réseaux sociaux pour s’apercevoir du contraire. D’où le paradoxe du titre de l’ouvrage : doit-on interdire cet humour malveillant, le censurer ? Ou accepter la violence de certains propos au nom de la sacro-sainte liberté d’expression ?
Autre grand sujet : les femmes. Longtemps, on les a empêchées de rire : quoi ? Une femme montrant ses dents ? Une femme démonstrative fut longtemps une femme vulgaire, pire, une femme émancipée. La peur sans doute de les voir, elles aussi, se moquer, se défendre en usant de ces armes réservées jusqu’ici aux seuls hommes. Heureusement, elles se sont bien rattrapées. Aujourd’hui, ce sont même les humoristes du « sexe faible » qui osent tout, parlent de tout, même de ce qu’on a si longtemps voulu ignorer : Blanche Gardin, Florence Foresti ou Valérie Lemercier en sont les plus flamboyants exemples.
En décortiquant tous les types de rires, Olivia Gazalé nous embarque dans une aventure passionnante, une plongée abyssale dans l’âme humaine dans ce qu’elle a de meilleur et dans ce qu’elle a de pire. Et pour une fois, nous sommes tous égaux… même si nous ne rions pas des mêmes choses.