Le Sang des innocents : Le livre de S. A. Cosby

Titus Crown savait bien qu’il n’aurait pas la vie facile en devenant shérif du comté de Charon, en Virginie. Bien sûr il y a de nombreuses familles afro-américaines dans sa ville natale. Mais pas sûr que les familles de blancs les aient acceptées comme leur égales, surtout certaines qui se verraient bien revenir au temps maudit des adeptes du KKK. Après avoir travaillé pendant douze années au FBI, c’est le premier noir à être élu à ce poste. Il entend bien occuper au mieux cette fonction, et faire respecter les droits et obligations de chacun sans distinction, qu’ils soient noirs ou blancs. Son intégrité le fait craindre de chaque côté, certains noirs le suspectent d’être passé de l’autre côté, et d’autres se méfient même de lui, allant jusqu’à lui dénier son autorité ou le considérer comme illégitime. Un jour, il est appelé au collège à la suite d’une fusillade, une comme il y en a tant aux USA. L’auteur de la fusillade est Latrell, un jeune garçon qu’il connaît bien. Il a du mal à le considérer comme totalement coupable du meurtre sauvage qu’il vient de commettre sur la personne de M. Spearman, le professeur préféré de tout le lycée depuis plusieurs décennies. Mais Latrell est un adolescent noir. Et l’un des hommes de Titus Crown l’abat sans avoir vraiment le temps de faire des sommations. Titus doit mener une enquête à la fois sur les raisons de ce meurtre et sur la possible bavure policière envers un jeune homme noir. Pourtant, il n’est pas au bout de ses peines et son enquête s’avère plus périlleuse et difficile que prévu. Il met rapidement à jour des actes de violence et de torture sur de jeunes adolescents, impliquant sans doute l’existence d’un tueur en série. Il faut dire que le mysticisme exacerbé de certains, les prédications des églises évangéliques ou autres, viennent également troubler le paysage. Un roman comme sait les écrire S.A.Cosby, pour notre plus grand plaisir de lecteur. Décrire des hommes simples, aux vies presque ordinaires, mais qui doivent prendre des décisions et sont placés dans des situations qui leur demandent d’être tout autre chose, de transcender leur quotidien pour respecter à la fois leurs valeurs, leurs ambitions et leur humanité. Et à travers leurs vies, nous parler de ce Sud des États-Unis qui n’a pas toujours évolué et qui reste campé sur ses fondements, souvent nostalgique de la guerre de Sécession, au sol imbibé de plusieurs générations de larmes, porteur d’un racisme et d’envies de ségrégation et de violence venus du passé. https://domiclire.wordpress.com/2024/06/11/le-sang-des-innocents-s-a-cosby/

S.A. Cosby jette un regard acéré sur les tensions raciales qui hantent le Sud des États-Unis. L’intrigue, centrée autour d’une fusillade à l’école et de l’enquête menée par le premier shérif noir de la région, met en lumière la persistance de la ségrégation ordinaire et des préjugés profondément ancrés dans la communauté de Charon. L’auteur explore avec force la culpabilité, la colère et la peur qui se dégagent après un acte de violence aussi brutal, révélant peu à peu l’«#8239;esprit du mal#8239;» qui semble contaminer la ville. Malgré la noirceur du propos, Cosby parvient à donner vie à des personnages entiers et nuancés#8239;: certains luttent pour la justice et la réconciliation, tandis que d’autres se laissent happer par la haine. Les dialogues, percutants et souvent teintés d’humour amer, renforcent la tension qui plane sur Charon. Au fil des pages, on ressent l’urgence de combattre à la fois la violence et le racisme, tout en reconnaissant la complexité des motivations humaines. Roman policier nerveux et puissant, Le sang des innocents_ réussit ainsi à dépeindre avec sensibilité les plaies encore ouvertes du Sud américain, tout en offrant une réflexion sur la manière dont une petite communauté tente de se reconstruire face à l’indicible.

Je ne connaissais par l’auteur mais le résumé m’a vraiment rendue curieuse. L’histoire se déroule dans le sud des USA, où Titus, shérif noir va devoir affronter une enquête difficile. Ici le récit ne se veut pas être un policier qui repose uniquement sur l’intrigue liée aux crimes. Non l’enquête est là pour mettre en lumière les problèmes qui règnent dans cette ville d’anciens confédérés. On y parle corruption, racisme et violence. Le récit, à travers le regard de Titus met vraiment en lumière les discriminations quotidiennes que subissent encore les Afro-américiains. C’est donc un livre plutôt sociologique qui fait état des fractures toujours présentent aux USA. D’autres sujets importants tels que le deuil, les traumatismes et les regrets sont abordés. C’est un livre touchant et intéressant que j’ai cependant parfois trouvé lourd à lire car il est au fond assez noir et triste sur les idées. Je pense cependant que c’est un bon ouvrage pour sensibiliser les gens sur le racisme quotidien. La version audio est a la hauteur, avec un lecteur qui sait donner de la profondeur au récit grâce a sa voix grave qui correspond parfaitement. Je recommande ce titre qui aborde des sujets essentiels et qui fait réfléchir.

#128420; Le sang des innocents #128420; Noir, c'est noir, n'y a-t-il plus d'espoir ?... Si la question de la chanson du groupe Los Bravos adaptée pour Johnny se pose pour une peine de coeur, elle est plus que légitime pour d'autres raisons, dans l'état de Virginie notamment, là où coule le sang des innocents. Ce roman - noir - est une énorme claque. Non seulement l'intrigue est menée avec maestria (pour ne pas dire de main de maître, un peu trop tendancieux en l'occurrence), mais en plus, S. A. Cosby dépeint avec un réalisme foudroyant la société sud-américaine et ses clivages, LE clivage : la couleur, la race, fondatrice de l'identité, et logique de division sociale. La one-drop-rule pourrait bien être la goutte qui fait déborder la vase … Si ce principe juridique a disparu des textes, il est hélas toujours bien présent dans les esprits étriqués d'une partie de la population américaine. Les récentes élections présidentielles aux US en ont été une illustration affligeante. C'en serait risible si les conséquences d'une telle ignorante stupidité n'étaient pas si dramatiques. Surtout quand on sait que des études actuellement menées démontrent que nous partageons toutes et tous les mêmes ancêtres. Notre ADN a parlé : nous viendrions tous d'Afrique, que l'on soit blanc, jaune, ou noir. Dans le sang des innocents, les suprémacistes, Fils de la Confédération ( !...), fidèles adorateurs du Général Lee « beuglent des slogans sur le sang et le sol, le grand remplacement, et les droits des Blancs ». Titus Crown (Titus, empereur romain du 1er siècle, et crown, couronne, un empereur couronné au pays des droits de l'homme...blanc (ok je caricature un peu), il fallait bien ça !), natif et premier shérif noir élu du comté rural de Charon, est bien en peine de remplir sa mission malgré sa conscience morale intègre, partagé qu'il est entre son dégoût des comportements racistes, son attachement à sa communauté, et son obsession pour le tueur de Charon où l'on « ne peut plus nier l'obscurité. Tout le monde la sent, à présent. Elle s'engouffre dans les coeurs comme un vent d'hiver glacé. Elle envahit les journées comme une éclipse et enveloppe les nuits comme une couverture de terreur. »… L'homme de loi est brillant ce qui fait de lui un excellent shérif. C'est un écorché vif aussi, ce qui fait de lui un personnage contrasté, très intéressant et attachant. Les autres personnages ne le sont pas moins d'ailleurs. S.A Cosby les campe avec un talent incontestable. Bible, qui n'empêche pas les préjugés, (au contraire ?), armes à feu et drogues dures sont leur quotidien. On patauge dans la crasse intellectuelle, les inégalités et la misère sociales, la souffrance morale et l'horreur de meurtres sadiques et abjects comme dans des sables mouvants : impossible de s'en extraire. C'est du bon, du très bon thriller.