Notre ami commun - Tome 1 : Le livre de Charles Dickens

"Our mutual friend" est un roman peu connu de Dickens. Espérons que la récente réédition dans la collection Archipoche permettra à de nouveaux lecteurs de découvrir cette pépite victorienne qui ne manquera pas d'enchanter les amateurs du genre. Tout commence avec un testament, celui d'un avare misanthrope qui a fait fortune dans ce que l'on appellerait aujourd'hui la gestion d'une déchetterie. Il lègue sa fortune à son petit-fils John Harmon parti à l'étranger, mais à condition que celui-ci épouse la jeune fille qu'il a choisi pour lui après l'avoir vue une seule fois quand elle faisait preuve à l'âge de 4 ans d'un caractère capricieux. Faute de remplir cette condition , l'héritage échappera à John au profit du couple de ses fidèles serviteurs les époux Boffin. 1er coup de théâtre, l'héritier meurt noyé dès son retour en Angleterre et voici que les braves Boffin doivent faire face aux contraintes générées par cette fortune qu'ils n'ont pas souhaité. Ces braves gens ont bien du mal à éviter les escrocs qui veulent profiter de leur bienveillance ! Pour se racheter , car à leurs yeux, cette fortune tombée du ciel est totalement indue, ils cherchent à adopter un petit orphelin pour remplacer l'héritier défunt qu'ils ont tendrement aimé, mais surtout ils accueillent chez eux la jeune fille qui lui était promise qui a toujours le même caractère difficile que dans son enfance (mais rassurons nous, elle va s'améliorer ....) 2ème coup de théâtre, un homme droit et sincère propose son aide aux Boffin et on apprend à la moitié du roman qu'il s'agit en fait de John Harmon qui n'est pas mort mais dissimule son identité pour se faire discrètement une idée de la jeune fille qui lui était imposée. Comment ne pas tomber amoureux de celle qui mérite bien son nom (elle s'appelle Bella ) même si son caractère ne plaide pas toujours en sa faveur ? Et voici que se noue l'intrigue principale alors que Dickens multiplie pour notre plus grand plaisir les intrigues secondaires, l'une autour de Lizzie, la courageuse fille de batelier qui suscite la plus vivre admiration chez deux hommes dont la rivalité aura des conséquences funestes, l'autre autour du détestable usurier Fledgeby qui dissimule son avidité implacable derrière son trop gentil homme de main, le juif Riah , puis une autre encore autour du couple Lammle ces deux imposteurs qui cherchent à manipuler leurs innocentes victimes pour en tirer parti financier. Il y a encore tant de personnages et d'histoires imbriquées qu'il est impossible de livrer une chronique exhaustive de ce roman foisonnant. La verve de Dickens se teinte d'un humour féroce quand il brocarde le gratin de la société victorienne mais elle se pare d'une tendresse émue pour les plus humbles de ses personnages, ceux qui n'ont jamais renoncé à leurs valeurs. Ce portrait quasiment sociologique des différentes classes sociales brosse un tableau complet de la société de son temps. J'ai particulièrement apprécié le chapitre consacré à la campagne électorale de Mr Veneering qui m'a paru d'une irrésistible drôlerie mais aussi d'une surprenante actualité. Décidément on trouve tous dans Dickens, Londres plongée dans la saleté et le brouillard, la Tamise qui recèle bien des mystères et joue un rôle primordial dans le roman, les petits métiers , la vie quotidienne de la population. Avec toujours cet humour britannique qui rend nos voisins d'Outre Manche si chers à nos coeurs !