Comme un chant d'espérance : Le livre de Jean d' Ormesson

Jean d'Ormesson met ici son lyrisme au service de réflexions bien plus métaphysiques que philosophiques et nous emporte vers l'espace extra-galactique de la naissance du monde ! En déroulant, en de très courts chapitres d'une à deux pages, les volutes de sa pensée relative à l'origine de notre univers (si origine il y a), l'auteur nous entraîne dans un vertigineux voyage aux frontières de ce que nous pouvons concevoir. Il affirme que oui, à coup sûr, "notre monde s'est mis à exister". Jonglant avec les paradoxes et les formules, l'académicien soutient (et parvient presque à nous convaincre) que "le temps est un miracle et l'éternité toute simple". Progressivement, après avoir disserté (comme tant d'autres depuis Parménide) sur la question du "pourquoi il n'y a pas rien", le propos glisse du "comment" (grossièrement éclairci depuis le bing bang) au "pourquoi" du monde. Le point de bascule dans ce très court et dense opuscule #9472;baptisé roman par allusion au roman sur le rien rêvé par Flaubert#9472; se trouve précisément là où l'on rencontre ces deux phrases : "La question du "pourquoi" ne se pose que dans l'hypothèse d'un Dieu créateur. Elle ne se pose pas dans l'hypothèse d'un univers né du hasard." Or le hasard est éliminé "par la rigueur inflexible de l'ordre du monde". Concluez vous-même... Après avoir abordé la question de notre liberté, l'auteur en vient à écrire qu'il ne nous reste qu'un choix, celui "entre le néant travaillé par le hasard et Dieu". Pascal pointe son nez... PS- J'allais conclure ce commentaire lorsque, en enregistrant le fichier texte, je me suis aperçu l'avoir déjà commenté il y a huit ans ! Mémoire nébuleuse, regard décalé. L'homme a changé, mais l'univers suit sa course ... [Voici ce que j'en disais huit ans plus tôt :] Il y a peu, en vous faisant part de mes commentaires sur "L'intérêt de l'enfant", je vous évoquais la zone du "roman/essai" et voici que dans son court texte qu'il qualifie de "roman" Jean d'Ormesson nous propose des réflexions métaphysiques sur le "rien avant le big-bang" ! Pour la métaphysique et les résultats récents de la science, l'auteur en reste à des généralités connues, mais agréablement formulées. Le hasard et la nécessité sont omniprésents et le pari de Pascal n'est pas loin. L'inscription de l'histoire des hommes dans l'histoire de l'univers est bien rendue : la science nous ouvre des sphères concentriques de connaissances de plus en plus vastes et précises sur les dimensions de l'univers, mais aussi sur son âge. Après l'apparition de la vie, celle de la conscience a été tout aussi mystérieuse. Il ne s'agit pas là d'un conte philosophique, ni d'un cours, ni à mon avis d'un roman au sens où on l'entend généralement, mais d'une réflexion formulée par un homme qui se sait sur le point de quitter les hommes et les femmes de la Terre. L'auteur nous livre une note de synthèse sur l'appel à vivre et la raison d'être tels que peut les exprimer un sage. Pour faire court, il part de rien pour arriver à Dieu, en passant par les merveilles de la création. Pourtant, la compassion et l'amour font défaut dans le récit qui nous est donné ; même si à l'évidence l'homme n'est pas grand chose dans l'univers, il est à mon sens un peu trop absent du récit (ou je l'ai mal lu). L'idée originale est l'aveu que nous fait Jean d'Ormesson d'avoir toujours rêvé être capable d'écrire un roman sur "rien". On peut penser à Raymond Devos ("trois fois rien, ce n'est pas grand chose"), mais non, le propos est ailleurs et Flaubert sert de référence, lui qui avait déjà caressé cette ambition. On aurait aimé en savoir plus sur ce roman sur le "rien" et que l’auteur creusât ce rien que l'on ne saurait voir ...