Hurlements : Le livre de Alma Katsu

l'expédition Donner: le nom donné aux 87 pionniers américains qui ont traversé la Sierra Nevada lors de la conquête de l'Ouest. À leur arrivée, ils n'étaient plus que 47. Comment la moitié du groupe a-t-elle été décimée ? Plus important encore, comment la moitié restante a-t-elle survécu ?histoire vraie, où l'appréhension infuse peu à peu le réel jusqu'à basculer dans l`angoisse la plus parfaite. Ca m'a rappelé l'anecdote de l'Indianapolis dans les Dents de la mer, racontée par Shaw le soir dans le bateau qui va affronter le requin : après le naufrage par un sous marin japonais, 1100 marins qui flottent; au point du jour, 300: les requins étaient passés par là. "Enfin.. on avait livré la Bombe", conclut - il ironiquement. Une scène immense. du coup j'ai revu les Dents de la mer, alors que je sais que ne relirai pas Hurlements, malgré ses qualités.

Un convoi de pionniers traverse l'Utah en direction de la Californie, malgré les nombreuses mises en garde sur les dangers d'un tel périple. À sa tête, George Donner et James Reed, représentants des familles les plus éminentes du groupe, se disputent la gestion des ressources et du bétail. L'expédition Donner, véritable fait historique et horrifique par la façon dont ce convol, perdu et désespéré trouvera des solutions inimaginables sauf pour ceux qui y sont confrontés. Nous suivons donc ce convoi composé de beaucoup de personnages et un rythme narratif lent à l'image de la longue traversée de l'Amérique pour un Eldorado qui, au fil des jours, semble être un mirage... Morts suspectes, pertes, bétails qui se meurt, un raccourci qui va conduire ces voyageurs tout droit vers l'enfer sur terre et la mort pour la plupart. Malgré quelques longueurs, qui sont pour moi représentatives de ce trajet interminable pour toutes ces familles pleine d'espoir, ne m'a pas empêchée de passer un très bon moment de lecture. Cela pourra gêner certains lecteurs mais je ne me suis absolument pas ennuyée. Je trouve ça fascinant de visualiser ce qu'on pu ressentir ces personnes qui rêvaient d'une meilleure vie. J'ai appréciée être en immersion avec ce convoi, grâce à la plume agréable et très descriptive de l'autrice. Comprendre chaque choix et ses conséquences. Quant à l'aspect horrifique il est omniprésent dans ce quotidien terrifiant. Des libertés furent prises sur le fait historique dans un intérêt narratif qui se tient très bien. Plus qu'un triller horrifique c'est avant tout une plongée dans la psychologie d'un groupe d'humain qui va devoir faire des choix impensables et irréversibles pour survivre. J'ai adoré ma lecture, me plonger dans ce moment de l'histoire américaine à la fois fascinant et déconcertant m'a beaucoup plu ! Cette expédition met vraiment en lumière les tréfonds les plus sombres de l'être humain lorsqu'il est face à l'adversité. N'est-ce pas cela le plus terrifiant finalement ?

« Un long chemin les attendait. Et la liberté, celle que les Pères fondateurs avaient écrites, celle dont ils avaient rêvé, la liberté de ne pas avoir peur, se trouvait au bout du chemin. » De nombreuses expéditions vers l’Ouest eurent lieu pendant la fameuse période de la Conquête. Quand on pense à cette période, surgit la figure de Davy Crockett et d’autres chercheurs d’or, partis chercher une prospérité qu’ils ne trouvaient pas dans leur province d’origine. Mais ici, point d’or voire même d’espoir, Alma Katsu nous raconte la catastrophe de l’expédition Donner, qui se déroula pour de vrai de l’été 1846 à la fin de l’hiver 1847. Plusieurs mois intenses de malchance, à l’issue desquels fut décimée une grande partie de la troupe : de presque 100 au départ, ils ne furent que 47 à survivre. Que s’est-il passé ? Un désir d’ailleurs, de remettre les compteurs à zéro et de démarrer une nouvelle vie, voilà ce qui unit les participants à ce voyage. Dès les premières pages, la catastrophe est pourtant imminente : le convoi, trop chargé, avance trop lentement, ce qui signifie qu’il atteindra une Sierra Nevada chargée de neige ; les provisions, pourtant nombreuses, sont consommées trop goulûment par des voyageurs pas assez préparés à la dureté du voyage ; des messages dans une cahute à destination des voyageurs, furent trouvés et annoncent la couleur : « Faites demi-tour, ou vous allez tous mourir »… Ces premières difficultés apportent rapidement un surplus de tensions entre des hommes qui s’écharpaient déjà pour le pouvoir. Alors quand un enfant de la troupe est retrouvé mort, dévoré d’une façon qui ne peut être l’œuvre d’un animal, la peur s’installe, avant de céder à la panique quand ils comprennent qu’ils sont suivis par une menace, une présence malveillante. De quoi est-elle constituée ? Provient-elle d’Indiens, certaines tribus faisant le culte d’une divinité maléfique avide de sang ? D’un membre du voyage ? Après tout, ils sont tellement nombreux qu’il est impossible de tous les connaître… Toutes les conditions pour un voyage qui déraille sont ainsi réunies, et racontées avec brio par Alma Katsu. Celle-ci réussit, et c’est ce que j’ai aimé, à mêler habilement à son récit une dose d’angoisse augmentant progressivement avant de céder la place à l’horreur. Une angoisse vécue par des personnages qui, on le découvre rapidement, ne sont pas mus uniquement par un désir d’aventure, mais aussi, voire surtout, par celui d’échapper à leur vie, à leurs échecs, à eux-mêmes. Qui se confrontent, ce qui ne fait pas ressortir forcément le meilleur d’eux-mêmes. Des flashbacks, des lettres adressées par certains membres du voyage à d’autres, permettent de lever peu à peu des coins de mystère, et comprendre ce qu’il s’est passé. J’ai été happée par ce roman fascinant, impossible à lâcher tant la tension est savamment répartie dans les pages. Du mystère, de l’horreur, de la nature humaine brillamment dépeinte dans ce qu’elle peut avoir de plus laid, et parfois, brièvement, de plus beau. « Hurlements » est une réussite, pas étonnant qu’une adaptation cinématographique soit prévue.

Amis de la petite maison dans la prairie, bonjour. Vous êtes priés de passer votre chemin, et prestement. En effet, si nous suivons des pionniers, qui ont décidé de quitter leur maison, leurs biens, leurs proches, pour voir si l’herbe était plus verte en Californie, nous sommes très loin d’un état d’esprit bon enfant. Nous sommes dans un roman horrifique, et je m’aperçois que c’est le troisième que je lis en fort peu de temps. Chacun dans leur genre est d’ailleurs tout à fait prenant. Nous suivons le convoi Donner, des pionniers menés par Georges Donner et James Reed, deux hommes imminents. Seulement… ce n’est rien de dire qu’ils ont été mal conseillés, voire même de dire qu’ils n’ont pas tenu compte des avertissements qu’ils ont pu découvrir tout au long de la route. Non, ces hommes, riches, autoritaires, ont décidé de suivre avant tout leur propre avis – et tant pis pour les conséquences. J’ai vraiment l’impression de faire un raccourci en écrivain ainsi, de ne pas montrer tout ce qui se passait au cours de ce voyage. Le premier fait terrifiant est la mort d’un jeune garçon, et son cadavre laissait à penser que ce n’était pas un être humain qui avait pu le tuer ainsi. Quoique… Il est si facile de désigner « les autres », à savoir les loups ou les indiens (oui, je ne crois pas vraiment que ces pionniers considéraient les indiens comme des humains à part entière). Petit à petit, la terreur augmente, petit à petit, le danger se manifeste, la nuit. Mais quel est-il exactement ? Qu’est-ce qui les menace exactement ? Et si la menace venait avant tout de l’intérieur et non de l’extérieur ? Ce n’est pas que cela soit difficile à admettre, non, c’est plutôt qu’il est très facile d’ostraciser quelqu’un, pour un peu qu’il se montre différent, qu’il ne corresponde pas à la norme. Je ne parle même pas du sort qui est dévolu aux femmes, puisque de toute façon, elles n’ont pas de pouvoir décisionnaire. Elles sont mêmes en première ligne quand il s’agit d’essuyer la violence d’autrui, elles sont aussi en première ligne quand il s’agit de gérer les provisions, qui diminuent. Je pense à Tamsen, notamment, femme de tête, femme courageuse, victime non de sa personnalité mais de cette époque qui n’était pas prête à accepter une telle femme. Partager ce que l’on a ? Non. Les hommes n’ont aucune envie d’aider ceux qui possèdent moins qu’eux. Plus les difficultés augmentent, et plus l’on ne pense qu’à soi. Oui, il est des gens biens, encore faut-il qu’ils aient la parole et qu’on les écoute. Autant dire que malgré les efforts de certains, malgré la bonne volonté d’autres, la douleur sera bien là, et l’hiver aussi.