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Miscellanées : « Maîtriser la langue française permet de s'accorder ensuite fantaisie et liberté. » Karine Dijoud
Publié le 18/12/2024 , par Lisez
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À chacun sa passion. Pour Karine Dijoud, c’est la langue française. Comme elle a raison ! Admirée par le monde entier mais réputée difficile, parfois même retorse, elle nous a causé et nous cause encore bien des tourments. L’autrice sait de quoi elle parle : elle l’enseigne. Et constate chaque jour l’hésitation de ses élèves, leur agacement et leur incompréhension devant tant de difficultés. Mais, que voulez-vous, la professeure ne se lasse pas de sa grande richesse et de son élégance.
Ce beau livre, illustré de photos, est agrémenté de citations de personnalités, amoureux comme elle de la langue française. Ainsi Victor Hugo : « Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant ». Pour Bernard Pivot, « La consultation du dictionnaire reste une promenade délicieuse ». Le journaliste reçoit un bel hommage en forme de lettre : sa dictée n’est-elle pas à jamais ancrée dans nos esprits ? Riad Sattouf, l’auteur de la très fameuse bande dessinée L’Arabe du futur, Annie Ernaux, Daniel Pennac ou Monsieur Sourdillon, son propre professeur de lettres, ont droit, eux aussi, à leur déclaration d’admiration. L’enseignante est bien placée pour le savoir : si les mots voyagent, évoluent, si les styles diffèrent, l’essentiel est de transmettre.
Ce livre a de nombreuses qualités plus une : il est décomplexant ! Karine Dijoud ne juge pas, ne se moque pas, avoue elle-même ses faiblesses. Mais elle encourage notre curiosité et nous fait découvrir un vocabulaire oublié et pourtant si mélodieux : « Pétrichor », « Murmuration », « Alliciant », avouons que nous ne les prononçons pas tous les jours mais quel plaisir de découvrir leur sonorité et leur sens.
C’est un art délicat de savoir écrire et de savoir parler et l’autrice nous rappelle – ou nous apprend ! – ces détails pas si anodins qu’il nous faut à tout prix éviter : les redondances comme « se cotiser à plusieurs » ou « incessamment sous peu », expressions aussi fautives que courantes. Elle mentionne aussi ces anglicismes qui truffent nos conversations, et, si elle ne les déteste pas, préfère leur équivalent français : « boycotter » peut être remplacé par « mis à l’index », une jolie formule qui plus est.
Et puis, viennent les pages que nous redoutons tous : les fautes d’orthographe, ces erreurs que nous commettons allègrement, ces règles qui nous tracassent : doit-on écrire « Ils se sont lavés les mains », l’accord le plus logique, ou « Ils se sont lavé les mains » ? Ces satanés verbes pronominaux ne nous veulent pas du bien !
Enfin, l’autrice consacre un chapitre à l’oral, entre tics de langage et son inévitable « Du coup » ou son très à la mode « en vrai », la liste est longue !, et nous aide à employer des termes plus précis, enrichissant ainsi notre vocabulaire. Nous disposons de 100 000 mots mais nous en utilisons seulement 500 dans la vie courante. Quel gâchis !
Avec cet ouvrage, Karine Dijoud célèbre à sa façon notre patrimoine. Sa manière de le faire, humble et amusante, évoque parfois une figure tutélaire, son ange gardien : Alain Rey. Dans une lettre émouvante, elle n’oublie pas de remercier celui qui, le premier, a su rendre populaire et accessible la plus belle des langues, la nôtre.