Le Joueur d'échecs : Le livre de Stefan Zweig

Zweig a sans nul doute l’art de créer une tension progressive dans la psychologie de ses personnages. Et il a su une nouvelle fois prouver son talent dans cette œuvre. Deux hommes, deux talentueux joueurs d’échecs. L’un, champion du monde d’échecs, possédant un don inné pour ce jeu millénaire alors qu’il montre un manque de culture et d’intelligence dans d’autres domaines ; le second ayant travaillé ce talent alors qu’il souffrait de l’isolement et du néant. J’ai été happée par ce court récit de bout en bout, tant par la puissance de l’écriture de Zweig, que par son histoire à la fois terrible et passionnante ainsi que ses personnages fascinants et obsessionnels. Le narrateur, en véritable conteur anonyme, nous raconte tour à tour l’histoire du champion du monde, puis de cet homme au passé douloureux n’ayant pas touché au jeu depuis plus de 20 ans. Ces récits se concluront par une partie qui aurait dû rester gravée dans les annales, ayant tous deux des enjeux différents à travers cette partie. Je me suis sentie complètement immergée dans cette œuvre, alors que les descriptions de l’auteur sont incisives et immersives. Au-delà d’une simple partie d’échecs, Zweig décrit également les sévices psychologiques des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Ici, nuls camps de concentration, de tortures physiques ou de travail forcé. Mais un autre type de souffrance pour ceux détenant des informations importantes et nécessaires. Celui de l’isolement total, sans aucune forme de divertissement, éloignant l’humain et les interactions le plus loin possible. Il dépeint également la dissociation amenant l’obsession compulsive puis la folie.

J’ai trouvé ce livre absolument passionnant. La résilience de Monsieur B., sa manière de trouver une échappatoire dans ce livre d’échecs, et surtout la puissance de l’imagination sont au cœur de cette histoire. C’est fascinant de voir comment son esprit lutte contre l’isolement, créant une tension incroyable tout au long du récit. Honnêtement, je ne m’attendais pas à autant apprécier ce livre, et je suis agréablement surprise. Je me demande vraiment pourquoi j’ai attendu aussi longtemps pour le lire. C’est un roman d’une intensité rare : plus on avance, plus on sent cette intensité monter en nous. Une lecture courte, mais marquante, que je ne peux que recommander !

Écriture brillantissime. C'est très efficace, fin et captivant. L'histoire est également intéressante dommage que l'antagoniste soit le prolo communiste. La préface apporte des éléments biographiques assez éclairants mais les traducteurs sont un peu trop présents ensuite dans le récit, avec des notes pas toujours pertinentes.

J'ai ouvert cet ouvrage par pure curiosité envers ce jeu que je ne connais que trop mal, ou trop peu : les échecs. L'auteur, à travers cette nouvelle rythmée, nous parle bien d'échecs, mais aucunement ou très peu de technique à proprement parler. Une approche psychologique nous est proposée, par la description détaillée de ce que pouvait représenter un champion d'échecs auprès de la société à cette époque. Un être jugé supérieur, qui jouissait de par ses attitudes pleinement de cette situation. La psychologie est également abordée lorsque ce prisonnier anonyme de la Gestapo échappe à la démence d'une incarcération solitaire grâce à un manuel d'échecs dérobé à l'un de ses geôliers. Ce dernier échappera à la démence mais deviendra un mania des échecs, jusqu'à éprouver des crises violentes. L'affrontement de ces deux personnages se déroule dans la tension pour l'un et l'arrogance pour l'autre. Tant d'émotions suscitées par cette simple planche bicolore. Je recommande.