Magellan - L'homme et son exploit : Le livre de Stefan Zweig

Excellente initiative de traduire de nouveau ce texte de Zweig. Remarquablement écrit, il le méritait et sa lecture est très agréable. Mais l'essentiel est que, bien plus qu'une biographe, ce livre est aussi bien un livre d'histoire qu'une récit de voyages, et un roman palpitant où l'on découvre à la fois le monde de l'époque, ses cultures diverses et ses étrangetés, avec un personnage central qui reste trop peu connu, dans ses efforts courageux . Lui n'avait pas pour but de massacrer et asservir des hommes, comme les conquistadors et autres colons européens qui ont génocidé impunément les peuples des Amériques pour leur voler leur pays.

Août 1519, les cinq navires de Magellan quitte Séville ; pour un périple vers l’inconnu, pour trouver la route des épices mais en prenant une direction opposé à celle de l’est (Vasco de Gama), en conséquence l’inconnue ; celle de l’ouest (Christophe Colomb). Une hérésie pour beaucoup, car aucune carte n’existe, seulement des ouï-dire, ce qui donne un pari fou que seul un marin tenace, un marin d’exception peut envisager de faire, et bien entendu sous les sarcasmes de ses coreligionnaires. Ainsi Stefan Zweig, maître dans l’art des biographies, nous fait naviguer à l’aune du destin de cet extraordinaire navigateur. Sans compter sur la récente traduction de Françoise Wuilmart, qui donne « au texte et donc à Magellan plus de sensibilité que la précédente de 1938 ». Une véritable épopée, que cet homme plutôt effacé, taciturne qui n’a jamais su se faire apprécier quand il le fallait. Mais de ce revers, il possède une forte ténacité et une intelligence rouée. En effet, que d’obstacles prévus ou non, que de tergiversations vis-à-vis de l’équipage où il faut rester en permanence en position de défiance, sans compter la supervision de tous les détails du quotidien. Son objectif : la route des Indes, la route des épices (le gingembre, la cannelle, le clou de girofle, la noix de muscade, etc..) et prouver en outre, à tous ces détracteurs que la terre est ronde, et donc réaliser une circumnavigation. C’est aussi un voyage éreintant, éprouvant (les cartes sont fausses ou incomplètes, et pour cause !), les drames aussi : les trahisons, les naufrages, les mutineries ne laissent à Magellan que peu de paix ! Mais l’auteur montre que l’amiral Magellan utilise sa perspicacité, son courage, sa ruse, sa pugnacité et sa naturelle autorité qui font de cet explorateur maritime un être d’exception. Car après la découverte du détroit de Magellan (logique...), il parait évident que la noria d’obstacles surmontés donne la mesure de l’exploit de cet homme. Un voyage que Stefan Zweig, compte tenu de sa qualité d’écriture nous permet de naviguer de concert avec Magellan et ses galions et ainsi d’appréhender les différentes péripéties de ce long et dangereux parcours de la découverte du passage vers l’océan Pacifique en partant de Séville. Un périple qui dura trois ans, avec le retour d’un seul bateau et de dix-huit hommes d’équipage. Bref, une superbe reconstitution historique, qui mesure que la volonté, voire la folie des hommes peut amener à des découvertes et des exploits hors normes. Et je dois dire que j’ai vraiment beaucoup apprécié ce récit.

Stefan Zweig savait parfaitement comment redonner vie à un personnage historique. L'épopée de Magellan date de 1519 et pourtant cette narration rend le personnage accessible. Il est passionnant de pouvoir témoigner d'une telle histoire racontée de façon à offrir au lecteur une vision si précise des évènements. Bien qu'il puisse jouir d'une certaine renommée à travers les siècles, le nom de Magellan n'inspire que très rarement plus que le nom attribué au fameux détroit. C'est certainement pourquoi Zweig s'est intéressé à lui car la reconnaissance d'un exploit, d'une qualité, d'une signification symbolique ne saura jamais être ignorée par une personne comme lui. C'est d'ailleurs dans cette puissance littéraire que réside la force de ce récit, où un lecteur ignorant, qui n'avait pas eu vent d'une histoire aussi folle, prend conscience de son caractère subversif et révolutionnaire. Magellan fut le premier homme à trouver « el paso » reliant l'Atlantique au Pacifique et à faire le tour du monde. L'exploit d'une vie pour les 18 hommes survivants de l'équipage, restera à jamais gravé dans l'histoire de la destinée humaine.

Très bonne biographie qui ne s'attarde pas sur des détails inutiles, mais qui prend tout de même le temps de retranscrire l'époque et les enjeux des différentes puissances de cette période si féconde en avancées scientifiques. Avancées scientifiques dont l'exploit de Magellan (le tour du monde) en est le point d'orgue. Et à l'instar de Colomb, il y aura un avant et un après. Car oui, la terre est bien ronde.