Focus
La mort d'Emile Zola
Publié le 27/06/2024 , par First Editions
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Plongez-vous dans un voyage captivant à travers les méandres de l'histoire criminelle avec "Les grandes affaires criminelles pour les nuls". Ce livre fascinant explore les recoins les plus sombres de l'humanité, révélant les motivations et les actes qui ont façonné notre passé. Alors que nous nous enfonçons dans les profondeurs troublantes de la psyché humaine, une affaire en particulier se démarque : la mort mystérieuse d'Émile Zola. Cette affaire emblématique, entourée de secrets et de controverses, nous invite à plonger au cœur d'une époque tourmentée, où les passions politiques et les tensions sociales étaient à leur paroxysme. Explorez avec nous cette affaire intrigante qui soulève encore aujourd'hui des questions sur la vérité, la justice et les sombres machinations qui peuvent se cacher derrière les apparences.
« Il fut un moment de la conscience humaine. » - Anatole France
Le matin du 29 septembre 1902, le valet de chambre d’Émile Zola découvre les corps sans vie de l’écrivain et de son épouse Alexandrine. Cette dernière sera ranimée, mais l’auteur de « J’accuse » n’a pas survécu à ce qui est d'abord considéré comme un malheureux accident domestique : une intoxication à l’oxyde de carbone, due au mauvais fonctionnement d’une cheminée. Pendant un demi-siècle, cette version officielle persistera avant de laisser place à des suspicions de meurtre prémédité, probablement orchestré par la Ligue des patriotes, une organisation nationaliste et antisémite. Ce groupe, dirigé par Paul Déroulède, n'avait jamais pardonné à Zola d'avoir défendu Alfred Dreyfus. Retraçons ensemble les événements entourant la mort de Zola et examinons la plausibilité d’un assassinat soigneusement dissimulé.
Les Faits
Le 29 septembre 1902, vers 9 h 30, les domestiques de la maison Zola découvrent une scène tragique dans la chambre de leurs maîtres au 21 bis, rue de Bruxelles, à Paris. Émile Zola est retrouvé gisant sur le tapis, la tête reposant sur une marche en bois. Alexandrine, son épouse, est à peine consciente sur le lit conjugal, respirant difficilement. Deux petits chiens, également inanimés, gisent dans leurs déjections. Le docteur Lenormand, arrivé rapidement sur les lieux, décide de transporter Alexandrine à la maison de santé du docteur Defau à Neuilly, où elle reprendra conscience.
En dépit des efforts des médecins, Zola est officiellement déclaré mort à 10 heures. La thèse initiale d’une mort accidentelle par inhalation d’oxyde de carbone est rapidement avancée. Les Zola étaient revenus la veille de leur résidence estivale à Medan. Alexandrine avait demandé à allumer un feu dans leur chambre, mais Jules Delahalle, le valet, avait déjà remarqué que la cheminée tirait mal, ayant rempli la pièce de fumée plus tôt dans la journée.
Une Enquête Bâclée
Dès le 29 septembre, une instruction est ouverte par Joseph Bourrouillou, juge d’instruction du tribunal de première instance de la Seine. Un groupe d’experts est constitué pour déterminer les causes de la mort de Zola. L’autopsie, réalisée le 30 septembre, conclut à une asphyxie par le gaz d'oxyde de carbone, confirmée par une analyse spectroscopique du sang. L’hypothèse du suicide et celle de l’intoxication alimentaire sont écartées.
Les experts réalisent plusieurs expériences pour reconstituer les conditions de la mort. Ils allument des feux dans la cheminée suspecte et y placent des cobayes. Au matin, les animaux sont retrouvés vivants, à l'exception de deux oiseaux. La teneur en oxyde de carbone dans l’air est insignifiante. Bien que ces résultats soient loin d'être concluants, le rapport des experts mentionne une obstruction du conduit de cheminée due aux trépidations des rues pavées. Cette explication est acceptée par le juge Bourrouillou, qui conclut officiellement à un accident le 13 janvier 1903. Cette décision, qui apaise le gouvernement et Alexandrine Zola, évite de rouvrir les polémiques entre dreyfusards et antidreyfusards.
Chronique de la Haine Ordinaire
Émile Zola, mondialement reconnu pour ses romans de la série des Rougon-Macquart, est aussi célèbre pour son engagement dans l’affaire Dreyfus. Son article « J’accuse » publié en 1898, dénonçant l’antisémitisme et l’injustice, lui vaut un torrent de haine. Il reçoit quotidiennement des lettres anonymes, des menaces de mort, et même des paquets contenant des cercueils miniatures. Cette haine persiste jusqu’à sa mort.
Quelques années avant sa mort, Zola avait déjà rencontré des problèmes de cheminée suspects. En 1899, une épaisse fumée envahit son appartement après qu'un feu de boulets eut été allumé, suscitant la suspicion de malveillance. En août 1901, une bombe est désamorcée devant son domicile. Cette série d'événements démontre l'ampleur de l'hostilité à son égard, alimentée par son engagement dans l'affaire Dreyfus.
Des Révélations Posthumes
En 1953, le journaliste Jean Bedel publie une enquête dans Libération, révélant des informations suggérant que Zola aurait été assassiné par un ramoneur pour des raisons politiques. Pierre Hacquin, un pharmacien retraité, affirme qu’un ami entrepreneur en fumisterie lui aurait confié en 1928 être responsable de la mort de Zola. Ce dernier aurait obstrué la cheminée de l’écrivain avant de la déboucher le lendemain matin. Hacquin avait promis de ne pas révéler ce secret du vivant de son ami. Bedel rendra public le nom du ramoneur, Henri Buronfosse, en 1978.
Témoignages et Analyses Historiques
Les spécialistes Henri Mitterand et Alain Pagès considèrent la thèse de l’assassinat comme probable. Henri Mitterand souligne que de nombreux indices pointent vers Buronfosse, un ramoneur lié aux ligues antisémites. Buronfosse aurait confié son crime, et son parcours politique corrobore son implication potentielle.
Alain Pagès, qui a mené une enquête approfondie sur Buronfosse, découvre que ce dernier, un fervent nationaliste membre de la Ligue des patriotes, aurait eu les compétences et les motivations pour commettre un tel acte. Pagès révèle des détails troublants : Buronfosse avait ajouté le prénom "Émile" après la mort de Zola et son acte de décès présentait des anomalies.
Pagès note également que Buronfosse était membre d’un service d’ordre musclé de la Ligue des patriotes, capable de commettre des attentats. Il en conclut que l’assassinat de Zola, bien qu’incertain, est une hypothèse forte, renforcée par de nombreux indices convergents.
La mort d’Émile Zola reste entourée de mystère, et bien que la thèse officielle d’un accident soit restée incontestée pendant des décennies, de nombreux éléments suggèrent une action criminelle. Les témoignages et les aveux posthumes, bien qu'indirects, indiquent un assassinat prémédité, orchestré par des ennemis politiques de Zola. Si la vérité absolue reste hors de portée, il est plausible que Zola ait été victime de la haine intense suscitée par son engagement en faveur de la justice et de la vérité. Son décès, dans ce contexte, le place parmi les martyrs de la liberté d'expression et des droits humains.