Interview
« On ne peut pas se relever si on ne tombe pas. » Delphine Giraud
Publié le 16/04/2024 , par Fleuve éditions
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Le cinquième livre de Delphine Giraud, Là où les souvenirs se révèlent, paraîtra le 2 mai chez Fleuve Éditions. C’est un roman poignant sur les secrets de famille et le long chemin pour s’en libérer, dans lequel on suit la quête de Thomas, instituteur en proie à un drame familial surgi du passé.
1/Votre roman est marqué par la grande sensibilité de Thomas, le personnage principal. Il a vécu des choses terribles, enfant, avec la mort inexpliquée de sa mère, et se retrouve face à des sentiments d’une grande violence à l’aube de ses 40 ans. Pouvez-vous nous dire ce que l’écriture de ce personnage masculin si particulier a représenté pour vous ?
Me glisser dans la peau d’un personnage masculin a représenté un vrai défi. La narration à la première personne rendait l’exercice encore plus complexe. J’avais besoin de me lancer dans un nouveau challenge pour me renouveler. J’aime m’imposer des difficultés, cela rend l’exercice, une fois terminé, encore plus savoureux. J’ai mis du temps à m’imprégner de Thomas, à comprendre ce qu’il avait dans le ventre et à lui donner de l’épaisseur. Et puis j’ai lâché prise et j’ai entendu sa voix. Mes personnages principaux ne sont pas mon reflet, mais ils possèdent un peu de ce que je suis. Thomas ne pouvait pas être autrement que sensible. Le lecteur le découvre d’abord par ses défaillances, puis il apprend à le connaître et se rend compte à travers lui que fléchir à un instant T ne fait pas de nous des faibles pour autant. Au contraire. On ne peut pas se relever si on ne tombe pas. Je trouvais encore plus impactant de ramener cela à un homme, avec toutes les idées reçues dans laquelle notre société persiste : un homme doit être fort, ne pas pleurer, etc.
2/Vos romans nous font habituellement voyager en Vendée. Ici, vous vous en éloignez pour nous faire découvrir la Bretagne qui offre un cadre majestueux à votre histoire. Qu’est-ce qui vous a donné envie de partir loin de votre région ?
Pour ce cinquième roman, j’avais aussi envie de changer de décor, de ne pas tomber dans la facilité. Quand j’ai commencé à penser à cette histoire, je me trouvais en vacances en Bretagne. Si mes textes sont éloignés de ma vie, moult détails en dehors de l’intrigue s’en rapprochent. Je ne visualisais pas encore grand-chose de la situation de Thomas, mais je savais qu’il aurait besoin de se reconstruire. Pour cela, j’imaginais un endroit proche de la nature. Le cadre s’est imposé à moi, presque comme un personnage : le lieu principal se situerait entre la forêt et la mer, avec des chemins qui serpentent le long du littoral pour pouvoir à la fois s’évader et se recentrer. Je suis allée à la recherche de l’emplacement breton idéal, et je l’ai trouvé, près de Concarneau, presque à l’identique de celui que j’avais en tête.
3/ Tous vos romans évoquent un secret familial trop longtemps gardé. Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous inspire particulièrement dans le cadre de la famille, qui peut être un lieu de grands bonheurs mais aussi de terribles trahisons ?
La famille est notre berceau à tous, qu’elle soit composée d’une personne ou de toute une tribu, qu’elle soit de sang, de cœur ou de papier. Elle nous forge durant notre enfance, fait de nous les adultes que nous sommes. Certains ont plus de chance et naissent au sein de familles aimantes, quand d’autres passent leur vie à réparer l’enfant blessé en eux. Et puis parfois, la façade se craquelle : ceux qu’on croyait bien lotis découvrent de terribles secrets, tandis que les plus malchanceux sourient à nouveau, pardonnent, revivent. Dans les familles, tout est possible : on se brise, on s’embrasse, on crie, on se répare, on s’aime, on se ment, on ne se parle plus. C’est une vraie scène de théâtre. Les membres de la famille sont censés être les personnes les plus fiables, alors la trahison est encore pire. J’aime explorer ce terrain où mille scénarios sont possibles et où il est facile d’ajouter une dose de suspense.